Un jeune homme retrouve sur un parking une femme avec laquelle il a pris rendez-vous sur internet. Tous deux partent en voiture. La discussion s'installe. Sur le chemin, ils s'arrêtent dans un relais pour faire quelques courses. Lui, refusant d'être vu avec elle, reste dans la voiture. Arrivés à destination, tous deux pénètrent dans un hangar défraîchi. Préparant leur suicide réciproque, le jeune homme sort de son coffre quatre tuyaux et des bidons de verre...
Véritable révélation au Festival de Berlin 2011, "Vampire" est un film d'une douceur infinie, à l'image de son protagoniste principal, un homme délicat et cultivé, professeur de 28 ans propre sur lui, qui arpente les sites spécialisés ou se promène sur les ponts, pour mieux dénicher des candidats au suicide auxquels il proposera de les vider de leur sang, par perfusion interposée.
La première scène, longue balade en voiture en compagnie d'une jeune femme qui voudrait que son dernier jour soit parfait, introduit naturellement le personnage, nous faisant découvrir ses pratiques, et sa tendresse affichée pour ceux qui lui serviront sa nourriture. Il nous donne à voir aussi un contexte familial bien glauque, avec une mère atteinte de la maladie d'Alzheimer (Amanda Plummer, décidément trop rare depuis « The fisher king »), qu'il attache à des ballons, pour lui permettre de bouger dans l'appartement, sans se faire mal.
Chacun de ses gestes ou pratiques, initialement suspect, est un acte d'amour. C'est sa nature qui l'oblige à se nourrir de manière bien peu commune. Le scénario, d'une extrême finesse, lui fera rencontrer des gens finalement bien plus perturbés que lui, d'un flic qui lui présente son envahissante sœur, à laquelle il n'osera pas refuser un rencart, jusqu'à l'homo du « club des suceurs de sang », prêt à étouffer ses victimes avant de les vider de leur fluide par le biais d'une fausse mâchoire. Loin de quelconques rites tordus, le personnage principal devient peu à peu attachant par contraste, étant aussi écœuré que le spectateur par les spectacles auxquels il est parfois contraint d'assister.
Peu à peu l'étau se resserre autour de cet homme forcément secret. La tension monte, imperceptiblement, Shunji Iwai jouant l’ambiguïté en permanence. Il soumet son doux monstre aux pires épreuves morales (le don du sang, ou la scène des sangsues... où il est obligé de sucer le sang à même sa future victime), flirtant même avec un certain érotisme. Il le met également en danger, lui faisant perdre vigilance et contrôle de ses propres plans, ceci pour mieux provoquer l’empathie (voir la terrifiante scène du van...). Au final, « Vampire » est un film élégant, qui ne manque pas d'un humour très noir, et finit par vous bouleverser par la beauté de ses images, la simplicité de ses ellipses et l'ingénuité de son écriture. On est pas très loin d'un "Morse" adulte, la maturité des personnages en plus.
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