© Damned Distribution
C’est le grand jour. Nathalie se prépare comme toutes les deux semaines à accueillir son fiancé qui travaille en Belgique et qui la rejoint à Paris pour un court mais intense week-end. Ils s’aiment et ils n’attendent qu’une chose : leur emménagement ensemble qui aura lieu dans quelques mois. Mais cet équilibre est bouleversé quand Nathalie est victime d’un viol…
Il est des petits films qui ont toute la carrure des plus grands. Un sujet fort, rarement abordé sous cet angle au cinéma, une mise en scène crue et bouleversante et une comédienne qui se donne corps et âme. Tourné avec 8 000 € récoltés sur le net, une équipe bénévole et du matériel de prêt, ce petit bout de film, "Une histoire banale" au titre peu prometteur, réserve l’une des plus belles surprises que le cinéma français nous ait proposé cette année.
Et on le doit à Audrey Estrougo ("Regarde-moi", "Toi, moi, les autres") qui, après avoir dû retardé son projet de film de prison pour femmes, se met à écrire en une semaine l’histoire poignante mais tellement banale d’une femme qui se meurt après avoir été violée par un de ses collègues. Une histoire qui prend forme aujourd’hui en 2014, alors que le viol n’est toujours pas considéré comme un crime (il se juge en correctionnel et non aux assises) et qu’on en compte environ 6 500 déclarés par mois chaque année en France.
Cette femme violée avait tout pour être heureuse. La première partie du film présente une Nathalie radieuse, qui aime la vie, ses ami(e)s et par-dessus tout son fiancé qui à cause de la distance la rejoint à Paris tous les quinze jours. Mais leur emménagement ensemble approche et le bonheur sera alors total. C’était malheureusement sans compter sur ce collègue qui a flashé sur Nathalie. Un peu lourd mais pas méchant, il la raccompagne un soir et lui propose un dernier verre. Nathalie refuse poliment, lui rappelle qu’il n’a rien à espérer d’elle. Au moment de rentrer dans son appartement, elle est violemment plaquée contre la porte et… sans un mot… rapidement… traumatisme… retourner au travail ?... faire comme si de rien n’était ?... ignorer le collègue ?... non… s’enfermer… se laver… se relaver… se « dé-souiller »… Une vie en pointillés débute pour Nathalie.
Audrey Estrougo filme les réactions de la victime avec une réalité brute et brutale. Son rapport aux autres, son rapport à elle et surtout à son corps. Passant par plusieurs phases : le rejet, le dégoût, la réappropriation de son corps, l’acceptation de vivre avec cette trace indélébile. Rien à voir avec les nombreux films des filles violées qui vont passer à l’acte de vengeance. "Une histoire banale" se calque sur une réalité sociale, ici introspective, à la manière d’un combat intérieur où la victime est en lutte perpétuelle contre elle-même et contre les autres (qu’elle ne peut plus voir). Alors elle s'isole et le cadrage serré du film prend ainsi tout son sens. Un film qui en dit long sur notre société d’aujourd’hui et qu’on pardonnera de tomber parfois dans un discours didactique un peu trop appuyé.
Un film où la victime est magnifiquement incarnée par Marie Denarnaud, comédienne de Giannoli dans "Les Corps impatients" et de Mélanie Laurent dans "Les Adoptés". La jeune actrice de 36 ans se livre entièrement à ce rôle dur et viscéralement meurtri. Ce petit bout de femme emmène ce petit bout de film dans les hautes sphères des longs métrages à voir cette année.
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