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Tom vient de perdre celui qui était son amant. Après quelques hésitations, il décide de se rendre à la ferme familiale de celui-ci. Là, il trouve la clé de la maison et entre à l'intérieur. Endormi sur la table de la cuisine, il est surpris par la mère de son ami, qui l'accueille sans savoir qui il est. Puis il fait la connaissance du frère...
Xavier Dolan avait déclenché l'engouement du public comme de la critique lors de la présentation de son 4ème film au dernier Festival de Venise. Après avoir été découvert à la Quinzaine des réalisateurs avec "J'ai tué ma mère", puis avoir présenté "Les Amours imaginaires" et "Laurence Anyways" à Un certain regard, le petit prodige québécois, un rien impatient, avait déserté Cannes pour accéder à la compétition côté Italie. Malheureusement, le jury de Bernardo Bertolucci n'a pas semblé sensible au charme Hitchcockien de ce thriller aussi inquiétant qu'émouvant, puisqu'il est reparti bredouille du Lido.
Adapté de la pièce de théâtre éponyme, l'histoire de Tom, homosexuel affirmé et prêt à révéler sa liaison passée à la mère du défunt, est un délice de suspense et de tension étouffante. Soudain confronté à une mère effondrée, aussi perturbée que capable de soudaines explosions (voir la magnifique scène où elle enrage en criant « on ne meurt pas 25 ans ! »), et au frère de son amant, sorte de macho agricole, résolument décidé à l'empêcher de dévoiler la vraie nature de son cadet, Tom balance entre souvenirs à la fois douloureux et réconfortants (le karaoké...) et une certaine attraction-répulsion envers celui qui pourrait bien devenir son bourreau.
Ancrant d'emblée le récit dans le drame, le scénario prend pour point de départ le besoin du jeune homme de rendre hommage à son ami lors de ses obsèques. Pris en étaux entre la curiosité d'une mère persuadé que son fils avait une petite amie, et la personnalité menaçante, voire violente d'un grand frère dont la sensualité bestiale se révèle peu à peu, la situation de Tom a de quoi générer un certain stresse, syndrome de Stockholm oblige. Inventif dans son humour très noir (même les taxis ne veulent pas s'approcher de cette maison de fous...), "Tom à la ferme" réjouit par son ambiguïté, ses allusions à peine voilées au cinéma d'Alfred Hitchcock (la poursuite dans le champ de maïs évoque "La Mort aux trousses") et l'interprétation de l'ensemble du casting.
Xavier Dolan, cheveux blonds envahissants, joue à merveille la perdition liée au deuil. Lise Roy incarne une mère pas si naïve, qui cherche le réconfort où elle peut. Evelyne Brochu invente un personnage de petite amie peu encline à se laisser faire. Quant à Pierre-Yves Cardinal, il est l'incontestable révélation du film, jouant à merveille sur son charme carnassier, autant que sur sa carrure imposante, encore amplifiée par la mise en scène de Dolan, qui réussit toujours à le rendre menaçant. Avec efficacité le réalisateur installe son emprise progressive sur le jeune homme, pour mieux nous amener aux scènes les plus incongrues (le tango...) ou les plus borderline (la soûlerie...), maintenant toujours un équilibre qui amène le spectateur (comme le personnage de Tom), à douter de la véritable dangerosité du frère.
Avec ce film, Xavier Dolan semble avoir atteint une certaine maturité. Il a épuré son style, utilisant les paysages géométriques des champs cultivés, passant du 4/3 au Scope pour mieux leur donner de l'ampleur, et installe ainsi une ambiance à la limite du surréalisme, au cœur d'une région agricole où les routes sont aussi droites (« straight ») que les attitudes attendues des gens. Deuil ravageur, quête d'un frère de substitution et passé douteux se mélangent en un mortel cocktail, provoquant de belles fulgurances, et faisant de "Tom à la ferme" un film qui émeut autant qu'il surprend, et qui restera sans doute parmi les meilleurs films de 2014.
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