© Rezo Films
Suite à l'assassinat d'un « indic » dans une commune de la banlieue parisienne, deux inspectrices de la police des polices se retrouvent chargées de l'enquête. L'une, expérimentée, semble connue et crainte dans le métier, l'autre est une « placardisée », que la première va tenter de former...
Lors de sa présentation à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en mai dernier, "Tip Top" de Serge Bozon, auteur remarqué du cohérent "La France", comédie musicale en costumes qui avait au moins eu le mérite de dénoter dans le paysage cinématographique français, faisait office de curiosité attrayante, forte d'un casting prometteur, en tête duquel l'irrévérencieux François Damiens, la multiple Isabelle Huppert et la toujours surprenante Sandrine Kiberlain.
Malheureusement, dès la première scène, où François Damiens rentre dans un bar rempli d'Algériens, lance quelques insultes et se fait virer, une étrange sensation s'installe dans l'esprit du spectateur, entre surprise face à un décalage forcené, et impression d'assister à une mauvaise caméra cachée, mise en scène par un amateur, et interprétée par des acteurs pas crédibles trente secondes. Le problème est que cette sensation perdurera durant quasiment tout le métrage, ceci malgré l'apparition au départ réjouissante des deux personnages féminins.
Le premier, une inspectrice dont « le protocole est la passion », fortement speedée, posant 1000 questions, est une rigide de façade, dont les frasques sadomasochistes n’amusent guère. Isabelle Huppert, qui semble prendre un certain plaisir à jouer ce personnage, fait ce qu'elle peut, ne l'empêchant pas de sombrer dans le ridicule. Le second, une jeune novice tête en l'air, est interprété par Sandrine Kiberlain, seule à se sortir de ce désastre, rendant presque attachante cette adulte simplette en proie à un gros manque d'affection.
Œuvre clairement déroutante, "Tip Top" parle sûrement de quelque chose... Mais à vrai dire de quoi ? Peut-être des idoles et des modèles qui deviennent des simples images de mode (des différents portraits, de Jeanne d'Arc, De Gaulle, Sarkozy, jusqu'à une couverture de magazine avec Rachida Dati...) ou des références sans grand sens ? Des élites ou dirigeants, qui sont tous en représentation, et ont tous une facette cachée ? De l'administration, voire de la société, remplie de petits chefs colériques et d'incapables mis au placard, inapte à se réformer ? Les vrais sujets sont ici traités avec si peu de délicatesse, objets systématiques de blagues ou gags navrants, ou pire, douteux, qu'ils finissent par être engloutis dans le mauvais goût ambiant. Il en va ainsi des considérations sur les arabes, les chômeurs, l'équité...
Côté mise en scène, le foutoir est de mise, et le mélange catastrophique entre acteurs de renom et non professionnels, génère au final une sensation d'amateurisme regrettable. L'intrigue quant à elle est proprement indigeste, et même les quelques trouvailles qui nous arrachent un sourire (le commentaire touristique sur la ville de banlieue, le fantasme de Kiberlain sur un homme nu faisant la vaisselle dans l'immeuble d'en face...), finissent par agacer à force de répétition (la goutte de sang qu'Huppert chope régulièrement avec la langue alors qu'elle lui coule du nez...).
Au final, entre les lamentables chorégraphies de bagarres, les insultes récurrentes et gratuites, la pathétique simulation de sodomie sur un cadavre ou la ridicule scène d'apprentissage de l'arabe, "Tip Top", nanar comme on n'en avait pas vu depuis longtemps, contribue malheureusement à discréditer un cinéma français déjà beaucoup raillé à l'étranger pour ses excès auteuristes. Si le spectateur, rêveur, finira par se demander comment ce film a pu trouver le moindre financement, il pourra aussi se dire, alors que l'un des personnages déclare « moi aussi, j'aime le silence », qu'il serait peut-être mieux ailleurs... que devant ce spectacle affligeant. Quant à la critique, si les snobinards voudront y voir autre chose qu'un malheureux brouillon, et si les copains parisiens du réalisateur tenteront vainement de lui sauver la mise, elle espère certainement, tout comme moi, qu'il ne s'agit là pour Serge Bozon, que d'un faux pas.
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