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Cheyenne, chanteur dépressif d'une cinquantaine d'années, vivant à Dublin, apprend la mort de son père, auquel il n'avait pas parlé depuis plus de trente ans. Dans un effort surhumain, il se rend à l'enterrement à New York, où il retrouve l'un de ses cousins...
Paolo Sorrentino, réalisateur italien, est connu depuis quelques années pour être « un grand formaliste ». En effet, dans ses différentes créations, depuis « Les Conséquences de l'amour », histoire d'amour sur fond de trafic d'argent en Suisse, jusqu'à « Il Divo », peinture au vitriol d'un politicien italien, en passant par le dérangeant « L'Ami de la famille », l'omniprésence de la musique et la composition millimétrée des plans sont des ingrédients essentiels. Si l'on retrouve ici la sublime beauté des plans, la musique (signée David Byrne, des Talking Heads), elle, sait se faire plus discrète, faisant des apparitions plus sporadiques et moins tonitruantes. Signe d'un cinéma assagi ou plus sombre, ce « This must be the place », road movie improbable autour d'un anti-héros en reconstruction, est un véritable grand moment de cinéma.
D'abord pour la composition de Sean Penn, chanteur au look très Robert Smith (The Cure), regard et moue découragés, qui souffle sur sa mèche régulièrement pour mieux apercevoir le monde, et parle d'une voix chevrotante, entre timidité maladive et féminité à peine dissimulée. En permanent décalage avec son entourage, ce personnage arrive tout de même à s'intégrer dans le cadre, Sorrentino lui conférant humour involontaire comme cynisme. Parfois, il donne des conseils sur la tenue du rouge à lèvre à ses jeunes voisines, ou lance des pics bien sentis, y allant d'un rire improbable. Si l'identification est bien difficile, le drame dont il semble à l'origine (des ados se sont suicidés à cause des paroles de certaines de ses chansons) crée forcément l'empathie. D'autant qu'il semble enfermé dans un univers étriqué qui se limite à une rue, dont la perspective s'arrête sur un stade des plus modernes, qui masque l'horizon. Comme pour mieux marquer l'enfermement du personnage, dans un passé figé fait de maisons jumelées, le monde moderne restant à distance, dans toute son imposante modernité.
Mais si le film de Sorrentino captive, c'est ensuite pour un scénario aux bases certes improbables (le héros reprend une chasse au nazi que son père n'avait pu mener à bien, découvrant ainsi les blessures d'un père absent et lointain), mais qui surprend en permanence. Sur cette trame de fond, Sorrentino désamorce les scènes de tension grâce aux traits de caractère et réactions de son personnage principal, en profitant pour faire passer quelques messages, comme par exemple sur le droit à l'armement comme « licence pour être un monstre – et tuer en toute impunité » ou l'obsession américaine pour la taille (voici la « plus grande pistache du monde »... mais où est donc la plus petite » ?).
Il s'offre au passage de puissantes évocations (le vieillard nu dans la neige...) et, sur le fond, charrie un discours bouleversant sur le désir tardif d'être père, la grandeur et la persévérance, les moments cruciaux de la vie, les possibles lors de moments où l'on n’a pas peur, et surtout le vieillissement, regrettant la résignation, le passage précoce de l'homme d'un « ma vie sera cela » à un « c'est la vie »... Dans « This must be the place », le beau est donc au rendez-vous, le sordide aussi, pour certainement l'un des plus grands films de l'année, injustement oublié au Festival de Cannes 2011, hormis par le jury œcuménique.
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