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Lors de l’anniversaire de la mort de son frère survenue pendant sa jeunesse, Jack se remémore son enfance, avec ses parents et ses deux frères. A travers sa vie se mêle l’Histoire de l’humanité, de la Terre et de l’Univers...
S’il est difficile d’aborder un film comme « The Tree Of Life », il est encore plus difficile d’en parler. La difficulté ne vient pas de la relative inaccessibilité de l’œuvre qui, bien évidemment, ne se regarde pas avec la même légèreté que nécessite le dernier Judd Apatow (réalisateur comique de grande qualité et très respectable), qui reste quand même finalement assez abordable. Non, cette difficulté vient du respect et du recul nécessaires pour s’approprier (si cela est possible), comprendre et donc parler de ce qu’est « The Tree Of Life ». A l’image de « 2001 l’Odyssée de l’espace » de Stanley Kubrick, l’œuvre qui s’en rapproche probablement le plus, le dernier film de Terrence Malick (« Les Moissons du ciel », « La Ligne rouge ») se vit, se ressent au plus profond de soi et ne peut en aucun cas être vu comme un pur produit de consommation. C’est ce que l’on appelle une œuvre d’art.
Ouvrant son film sur la réplique suivante : « Il y a deux voies dans la vie, celle de la grâce et celle de la nature. Il faut choisir la sienne », Terrence Malick annonce la couleur et pose la trame de son histoire. Son héros, Jack (joué adulte par un Sean Penn ne dépassant pas les 5 minutes à l’écran) sera tiraillé toute sa vie entre ces deux choix, entre ces deux théories, l’une évolutionniste l’autre créationniste, et sur leurs implications. Malick, que l’on soupçonne d’être forcément évolutionniste et de croire en Gaïa, Ondine ou Hélios, ne force pas son héros à choisir l’une ou l’autre théorie, mais impose sa vision au travers de séquences sur l’évolution de l’univers et de la terre qui s’entrecroisent avec la vie de Jack.
Après avoir posé la base du récit (la commémoration de la mort de son frère lui rappelle son enfance et toutes les questions qu’il se pose sur la vie), une séquence hallucinante d’une vingtaine de minutes vient ponctuer l’histoire de magnifiques images de l’univers et de sa création. Jamais l’espace n’avait été filmé comme cela depuis 1968 (année de sortie de « 2001 »). De par la beauté des visuels de Douglas Trumbull (déjà responsable des effets visuels de « 2001 ») sur la musique d’Alexandre Desplat, le résultat est tout simplement envoûtant. Le Divin est immédiatement mis en opposition avec le Big Bang. Le récit se recentre donc sur la vie de Jack, de la même manière que l’on pourrait regarder l’histoire de la vie (le cycle éternel, qu’un enfant béni rend immortel) à la loupe. Ainsi, l’enchaînement des moments que nous pouvons tous vivre tels que la maman venant border son enfant ou la première attirance pour une autre personne à l’école, ne sont que des instants peut-être minimes, mais faisant partie du même scénario que le dinosaure se battant avant de disparaître à cause d’une météorite. Une petite évolution pour l’homme en est toujours une grande pour l’humanité.
Jack, qui dès sa première scène est montré comme tiraillé entre les fameuses deux voies à suivre (on le voit bébé, rejetant des jouets d’animaux d’une Arche de Noé), ne va cesser de se poser des questions dont les réponses peuvent le mener à évoluer. Oui, il vient d’une famille croyante de par un père (Brad Pitt, monumental) qui élève ses enfants « à la dure ». Mais si ses premières scènes sont faites de prières (« Donne-moi la force d’aimer mes parents, d’être gentil, de ne pas mentir »), son apprentissage de la vie est mis en confrontation avec la réalité (Pourquoi des gens se retrouvent-ils à voler ? Pourquoi la maison de mon voisin est réduite en cendre par un incendie ? Pourquoi se pauvre homme doit-il marcher avec une béquille ?). Si la voie à suivre est celle de Dieu, pourquoi les gens sont-ils malheureux ? Jack se demande si ce mauvais destin peut lui arriver, comme nous pouvons tous nous poser des questions sur nos propres vies.
« Dans l’accouplement humain, des millions et des millions de cellules sont en compétition, génération après génération, jusqu’à ce qu’un homme aime une femme et que contre toute attente {…} c’est toi qui en résultes {…} un miracle », disait le Docteur Manhattan dans « Watchmen ». Cette réplique résume parfaitement les propos du film de Malick. La voie de la nature est peut-être bien aidée par une force « autre ». C’est peut-être même cette confrontation entre la voie de la grâce et celle de la nature qui permet à Jack de devenir ce qu’il est, ce que nous sommes. La conclusion du film fera autant parler d’elle dans les années à venir que le final de « 2001 » (que Malick se permet de citer ouvertement dans son dernier tiers) apporte une réponse, qui peut d’ailleurs paraître confuse, car elle mérite la réflexion nécessaire à la portée de son propos.
« The Tree Of Life », même s’il est moins accessible que « La ligne rouge », est avant toute chose un magnifique film sur l’enfance, la famille, la fratrie et la vie. Son rapport vis-à-vis du public se trouvera peut être handicapé par son opacité, mais comme le disait à raison un spectateur à la sortie du Palais des festivals : « Le film s’est peut-être fait huer, mais c’est un classique instantané, un pur chef-d’œuvre, l’un de ceux dont on se souviendra encore dans 40 ans ». Il a bien raison, car c’est avec le temps que « The Tree Of Life » sera apprécié à sa juste valeur. C’est ce qu’on appelle l’évolution, la voie de la nature, pour un film touché par celle de la grâce.
CONTRE : Niveau +1 – La messe est dite
Le nouveau film de Terrence Malick était attendu comme le messie à Cannes. Pas terminé à temps il y a un an, le film était devenu un événement annoncé, sa bande annonce, superbe, laissant augurer d'un grand drame familial. Le site internet du film était également alléchant, proposant un choix entre la voie du père et celle de la mère, entre la voie de la nature et celle de la grâce. Si on pouvait se réjouir que cette bande annonce justement ne dévoile rien de l'histoire (chose rare pour les productions américaines), force est de constater qu'une fois le film visionné, l'on s'aperçoit qu'elle dévoile en réalité absolument tout, puisqu'il n'y a pas plus de consistance dans le film que dans celle-ci.
Alors, bien sûr, Terrence Malick sait comme personne manier la caméra, effleurer les branches d'un arbre, les brins d'une pelouse, utiliser la contre plongée, le travelling avant... et il nous concocte un cocktail visuel époustouflant, d'une beauté certainement inégalable, qu'il s'agisse de filmer ses protagonistes dans l'Eden militarisé ou dans la grande ville fourmilière où vit l'aîné, qui se remémore l'annonce de la mort de son cadet, tout comme leur enfance, ou qu'il s'agisse de reconstituer l'état pré-natal ou la Genèse, en images de synthèse. Mais à force d'étalage de style, le réalisateur s'égare dans un maniérisme qui en agacera plus d'un.
Comme Jacquot Van Dormael avec son « Mr Nobody », il ne réussit pas à embrasser son sujet, tellement ample. Parler de l'humanité, de ce qui forme la personnalité, et de la relation indéfectible entre parents et enfants, n'est pas chose aisée. De qui tenir le plus, sa mère ou son père ? Un choix est-il possible en ce domaine ? Au delà du plaisir visuel que procure le film, l'on doit malheureusement convenir que l'histoire se limite à quelques lignes, et surtout qu'aucun des personnages n'est réellement développé, pas même celui de Sean Penn, fils devenu rebelle. Son traumatisme, dû à ses rapports avec son père et à une éducation austère, reste de l'ordre du peu palpable, tant on a vu des personnages bien plu autoritaires et perturbants que celui de Brad Pitt.
En absence de réel récit et de personnages, Malick, tout comme Aronofski en son temps avec « The Fountain », rate complètement son coup, rendant l'apathie et l'identification impossibles. Mais ce qui restera le plus troublant à la vision de « Tree of life », c'est la disparition rapide de tout équilibre entre fascination pour la nature et mysticisme religieux. A tel point que l'on termine sur l'Agnus Dei, avec une phrase adressée directement à Dieu. Reste l'interrogation qui vient alors à l'esprit : quelle congrégation religieuse a bien pu financer cet ambitieux projet ?
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