affiche film

THE SHAFT

(Dixia De Tiankong)


un film de Chi Zhang

avec : Gong Qiya, Guan Siting, Huang Xuan...

Dans une ville minière de l’ouest de la Chine, portraits croisés de 3 membres d’une même famille. La fille travaille à la mine et rêve d’une vie meilleure, le fils encore au lycée désire devenir chanteur, quant au père, retraité depuis peu, il entreprend de retrouver la femme qui les a abandonné...


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Photo film

POUR: Niveau +2 - Une toile familiale aux reflets noirs charbon

Lotus du jury au festival asiatique de Deauville 2009 “The Shaft” dépeint, comme beaucoup de films chinois, la piètre condition d’une famille de mineurs. Tel un triptyque, Chi Zhang découpe son film en trois parties, dédiées chacune, à un membre de la famille. Trois histoires dont le dénominateur commun est l’espoir illusoire, d’échapper à ce destin sacrifié au travail. Chacun s’arrête chaque jour sous ce pont qui surplombe le village sans s’y arrêter, aspirant silencieusement le prendre un jour. La fille rêve de grande ville et le fils d’une carrière dans la chanson. Symbole de cette jeunesse chinoise peu enclin à devenir des pions de la société, à la différence de leur père qui a tout sacrifié à la mine au point d’acheter son épouse à un trafiquant de femme.

Avec comme fil conducteur une mise en scène épurée, les trois tableaux se succèdent ponctués par le vacarme assourdissant de l’élévateur qui plonge les mineurs dans leur puit. Le réalisateur construit sa trilogie en adaptant chacune des parties au personnage qu’il décrit. Dans le premier volet qui retrace l’histoire de la fille, la photo et la narration sont à son image : magnifique et méthodique. De loin la partie du film la plus réussie, où le récit s’inscrit essentiellement au travers d’images suggérées. Le petit ami si lâche, quand l’héroïne se fait injustement malmener par les mineurs, se retourne devant la caméra de surveillance afin de lui prouver, sur l’écran de contrôle qu’elle surveille, combien il tient à elle. Mais il est trop tard et les chaussures rouges qu’il lui a offert dérivent alors sur le lac.

La seconde partie, celle du frère est par contre beaucoup plus confuse. L’image si léchée auparavant est ici saccadée et disparate. Serait-ce parce que le héros, tout juste sorti de l’adolescence, agit de façon déraisonnée et se laisse piéger dans une sombre histoire de contrebande. Le dernier tableau nous ramène à un schéma plus classique de narration. Le père, à présent oisif, a la nostalgie de son passé perdu et décide de retrouver la mère de ses enfants. Une longue quête qui aboutira à la scène finale du film : un plan magnifique souligné d’une musique digne des plus belles romances de l’histoire du cinéma.

Une belle histoire de famille où malgré l’absence de mots les sentiments sont bel et bien présents. Pudique, chacun respecte les choix des deux autres et cela aux détriments de leurs compagnons. Une construction triangulaire qui par définition est le symbole parfait de la stabilité, et même si l’on peut regretter que l’ensemble du film ne soit pas à la hauteur du premier volet, « The Shaft » reste un film bien construit, que l’on contemple telle une toile de musée.


CONTRE: Niveau -2 – Gros sabots


« The shaft » surfe sur la vague de films sociaux chinois lancés il y a quelques années au festival de Venise par le Lion d'or de Jia Zhang Ke, « Still life », et poursuivie avec notamment le Grand Prix de Deauville Asia 2008: « La petite fille de la terre noire ». On retrouve ici toutes le composantes qui ont fait le succès de ces films: ennui latent chez les personnages, changement de société comme arrière plan, monde industriel à l'abandon, misère en pleine expansion, beauté de la famille et de la tradition... Mais ici la sauce ne prend pas, la faute à un misérabiliste appuyé, et à un fatalisme absolu.

Divisé en trois parties distinctes, correspondant chacune à l'un des membres d'une famille sans mère, le film s'ouvre sur les velléités de départ de la fille, se poursuit avec la désespérance du fils, pour se clore avec les échecs d'un père qui n'est plus rien sans son travail. La première partie intrigue par ses enjeux sociaux et l'oppression qui guette ceux qui rêvent d'un destin différent. La seconde partie, confuse, agace et traine en longueur. Quant à la troisième, elle pourrait émouvoir, si elle ne baignait pas dans une musique sirupeuse (mais belle), rejouée en boucle à la limite du supportable, au cas où les larmes auraient du mal à venir toutes seules.

Face à tant de fatalisme (le fils pourrait bien se trouver en reprenant les traces du père !), on reste sans voix. Le film a remporté le prix du jury (ex-aequo) à Deauville Asia 2009, on se demande bien pourquoi, la finesse n'étant pas le propre d'un scènario ni d'une mise en scène qui joue de la symbolique avec excès et se dirige vers la fin avec de gros sabots.

Olivier Bachelard

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