affiche film

© Warner Bros. France

THE SEARCH


un film de Michel Hazanavicius

avec : Bérénice Bejo, Annette Bening, Maxim Emelianov, Abdul Khalim Mamatsuiev…

1999, en plein conflit tchétchène, un jeune garçon réchappe du massacre de son village. Durant sa fuite, il va croiser le chemin de Carole, une missionnée de la Commission européenne chargée d’enquêter sur les crimes de cet affrontement. D’abord enfermé dans son mutisme, le bambin va progressivement s’ouvrir à cette française qui découvre l’horreur d’une guerre dont elle ignorait les enjeux et la réalité. Sa rage la poussera à tout faire pour essayer de faire bouger les choses, mais la bonne volonté ne suffit pas dans de telles situations…


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Photo film

POUR : Niveau : +3 - Un récit de guerre bouleversant porté par une Bérénice Bejo au top

Au lendemain de son triomphe avec « The Artist », tout le monde attendait Michel Hazanavicius au tournant. Alors, lorsqu’il a annoncé qu’il comptait réaliser un film plus personnel, s’intéressant au conflit tchétchène, notre cinéphilie a été particulièrement titillée. Les mois passèrent et le cinéaste trouva finalement son inspiration dans « Les Anges marqués » de Fred Zinnemann, où le spectateur découvrait l’horreur des camps de concentration et de la seconde guerre mondiale à travers les yeux d’un enfant. Usant du même procédé narratif, le réalisateur français transpose son récit en 1999 durant la deuxième guerre de Tchétchénie. Le film s’ouvre alors sur les images d’une caméra VHS où l’on observe impuissant le massacre d’une famille tchétchène par des militaires russes, mais dont le jeune Hadji parviendra à s’échapper. Et durant sa traversée au cœur de monceaux de cadavres, il croisera une missionnée européenne qui le prendra sous son aile.

Fable humaniste mélodramatique, « The Search » repose sur une ambition folle, celle de célébrer le courage des volontaires cherchant à aider une population meurtrie et massacrée dans l’indifférence, et de critiquer la passivité des puissants de l’Occident, tout en esquissant en creux un pamphlet virulent contre l’impérialisme russe. Mais le coup de force de ce métrage est de brasser ces différents enjeux en restant à hauteur d’homme, en refusant de s’éloigner de ces victimes pour essayer de politiser un propos dont les images offertes sont bien plus fortes que des discours pompeux. Dans une maîtrise parfaite de la trame narrative, la caméra nous balade à travers les explosions et les crimes de guerre pour suivre la trajectoire de plusieurs protagonistes dont le destin est intimement lié : une jeune femme chargée d’enquêter pour le compte de l’Union Européenne, un gamin orphelin et traumatisé, et un ado russe enrôlé contre sa volonté dans l’armée.

Pudiquement, Michel Hazanavicius double la tragédie militaire d’un torrent de sentiments sans jamais tomber dans le pathos. De la relation naissante entre un chérubin écorché par cet affrontement et une volontaire naïve qui découvrira la cruelle réalité à travers le silence et les larmes de cet enfant, à la jeunesse sacrifiée d’un Russe sur l’autel de la violence et de la propagande, le cinéaste livre un film d’une grande intensité, à l’émotion palpable. Car le sujet était suffisamment fort, car les acteurs étaient suffisamment talentueux, car l’objectif s’attarde à capturer les faits abruptement, le réalisateur s’efface derrière son objet, préférant des lumières crues et un montage efficace aux effets de style. Mais surtout, il se sert de ses personnages archétypaux pour offrir aux spectateurs plusieurs niveaux de lecture, un puzzle critique qui s’appuie sur l’humain pour décrire les agissements de ceux qui ont perdu leur humanité.

On connaissait Michel Hazavicius comme une grand artisan de la comédie française, on le considérera désormais comme un grand réalisateur tout court. Usant malicieusement de son habileté à jouer avec les images, le metteur en scène se sert du pouvoir d’évocation de celles-ci pour remplacer tous ces discours qui auraient nécessairement été réducteurs. De la rage de sa protagoniste principale, il tire une énergie brutale qui donne son rythme et son souffle contestataire au métrage. Une scène de danse, un dessin d’enfant, et le réalisateur vient de nous transmettre un message qui prend aux tripes et au cœur. Saisissant et poignant, « The Search » devrait mettre à rude épreuve les glandes lacrymales des plus sensibles, et remettre à l’ordre du jour un conflit bien trop longtemps ignoré.


CONTRE : Niveau : 0 - Bienvenue en enfer


Pour ce remake du film « Les Anges marqués » avec Montgomery Clift, dans lequel un soldat américain aide un enfant à retrouver sa mère dans le Berlin de l'Après guerre, Michel Hazanavicius a transposé son histoire en Tchétchénie, en 1999, remplaçant le soldat par une chargée de mission volontaire, mais impuissante.

Pour recréer l’atmosphère grise et sombre de la Tchétchénie, Hazanavicius a déployé de gros moyens. Les scènes de combats et reconstitutions d’explosions ou de villages sont assez bluffantes, et dignes de bons film de guerre. Un bon point donc pour l’Artiste, qui se laisse malheureusement entraîné par un scénario gentillet, qui pourrait se résumer à cet adage : « tout n’est pas tout blanc ou tout noir ».

En effet, car même si les membres de l’armée russe sont globalement des caricatures de brutes épaisses et sanguinaires, il a choisi de nuancer son propos en montrant les techniques de recrutement de ses soldats, au travers du personnage de Kolia, un jeune qui fumait un joint en sortant du lycée, et qui a tout bonnement été enlevé par une patrouille, en pleine rue. Comme dans tout conflit armé, les soldats ne sont ainsi pas tous des hommes volontaires et sanguinaires, et la guerre les brise et leur fait perdre tout repère.

Dans son film, Hazanavicius tient aussi à dénoncer l’immobilisme de l’Union Européenne et de la communauté internationale face à certains conflits et catastrophes humanitaires, au travers de l’impuissante Bérénice Bejo, jeune chargée de mission. Malheureusement, les dialogues de son personnage (voire son jeu d’actrice) sont ici tellement bancals que l’on finit par ne pas avoir non plus envie d’écouter son plaidoyer. Ajoutez à cela l’agacement dont elle fait preuve face au mutisme d’Hadji, le petit garçon qu’elle recueille, et son personnage en devient au final complètement antipathique.

Si « The search » est tout de même un film intéressant sur le fond, retraçant la tragédie humanitaire d’un conflit récent, la principale raison pour aller découvrir ce film de 2h14, reste le personnage d’Hadji (Abdul Khalim Mamatsuiev), dont l’interprétation est aussi puissante que son regard est intense.

Véronique Lopes

26-11-2014

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