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La famille Ono vit d’agriculture maraîchère et d’élevage dans un village proche d’une centrale nucléaire. Lorsque celle-ci est touchée par une explosion, les Ono ne savent pas comment réagir. Peu convaincu par le discours des autorités, qui considèrent que leur maison se trouve en dehors du périmètre de danger, le père de famille ordonne à son fils et à sa jeune compagne de quitter le foyer. Lui, en revanche, restera sur place pour veiller sur son épouse, atteinte de la maladie d’Alzheimer…
Un an après le vertigineux « Himizu », film viscéral s’inscrivant dans l’ère post-Fukushima, Sono Sion poursuit son travail de radiographie d’un peuple meurtri en plongeant cette fois-ci au cœur du drame. Véritable film catastrophe, « The Land of hope » décrit non seulement l’expérience familiale de l’accident, vécu à l’instant T, mais aussi ses effets à court et moyen terme sur la psyché humaine. Celui que l’on appelle l’enfant terrible du cinéma japonais, connu pour ses extravagances cinématographiques mais aussi pour sa vision noire de l’humanité, relève donc un sacré défi : mettre de côté son penchant nihiliste pour raconter comment tout un peuple, frappé par le malheur, s’efforce de se relever.
Le résultat est non seulement d’un réalisme cinglant (cet absurde sentiment de soulagement du père Ono lorsqu’il apprend que sa maison se trouve du bon côté du ruban de sécurité) mais aussi d’une vibrante humanité (accepter de se sauver soi-même mais pas ceux que l’on aime). Sans jouer la carte de l’héroïsme ni celle de la grandiloquence, le cinéaste explore avec justesse tous les comportements que le drame peut générer : le besoin de rester chez soi quel qu’en soit le prix, celui de partir à la recherche de ses proches malgré les interdits (faisant valdinguer au passage toute une vie d’obéissance à l’autorité), celui de se couper du monde pour éviter les radiations ou, à l’inverse, de renier toute réalité, allant jusqu’à rejeter ceux qui affichent ouvertement leur peur. Comme si, pour continuer à vivre, mieux valait oublier. Une résignation qui force d’autant plus le respect que la menace radioactive est impalpable, et donc absolument terrifiante.
Apocalyptique et pourtant incroyablement lumineux, « The Land of hope » sonne le tournant d’une civilisation. Il questionne les racines, le sens du devoir et l’instinct de survie, certes individuel mais surtout collectif. Ne perdant pas de temps à dénoncer les failles de la sécurité nationale (les absurdes agissements des autorités qui suivent l’accident restent traités de façon anecdotiques), Sono Sion pose un regard admiratif et passionné sur son peuple, à l’impressionnante dignité. Puisant dans la catastrophe une inspiration poétique et s’appuyant sur une partition musicale étrangement anachronique, il crée des séquences d’une puissance visuelle à faire frémir. L’une des plus marquantes est celle où cette femme âgée, à la mémoire vacillante, échappe à la vigilance de son mari et se retrouve face au paysage enneigé de son village dévasté. Ignorant tout du drame, regardant le monde comme une enfant, elle n’a d’autre choix que celui de s’émerveiller, mettant en pratique de manière inconsciente la destinée de tout un pays.
« The Land of hope » sort deux ans après la catastrophe de Fukushima. Il est possible que pour son prochain film, Sono Sion ferme cette parenthèse historique et renoue avec le cinéma sombre et désespéré qu’on lui connaît. Mais au-delà de l’hommage rendu à son pays et du devoir de mémoire, cette « parenthèse » lui aura permis d’accoucher d’un de ses plus beaux films. Humain, humaniste et essentiel.
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