Un africain échoue sur une plage nudiste d’Europe où il est accueilli par une grande femme blanche entièrement nue. Des rêves d’une vie meilleure plein la tête, il choisit Bruxelles comme point de chute mais il se retrouve très vite exploité par des trafiquants. Coincé dans un avenir sans espoir, une rencontre va lui redonner les rêves qu’il avait perdus…
Une splendide séquence d’ouverture, se déployant comme un rêve, l’origine du monde sous les yeux impressionnés d’un immigré clandestin, « The Invader » décharge dès les premières secondes une incroyable puissance fébrile qui vous parcourra sans nul doute l’échine. Déjà remarqué pour ses nombreux courts-métrages dont l’un de ses derniers en date présenté dans la sélection « Orrizonti » du festival de Venise 2010 rassemble John Voight, Dennis Hopper et Jack Nicholson, Nicolas Provost confirme tout son sens de l’image pour une mise en scène vaporeuse et délicate, comme aux confins d’un songe auquel son audience se laisserait aller.
« The Invader » est l’histoire d’un homme africain, beau, brutal et mystérieux, foulant les terres du vieux continent pour chercher sa place dans le monde. Il désire mener une existence à la hauteur de ses espérance mais la réalité de la clandestinité le rattrape bien vite. Il trime sur les chantiers de Bruxelles, vit dans un squat tenu par des marchands de sommeil sans scrupules, pourtant, rien n’effleure son enthousiasme ni sa combativité. Laissant place aux espaces incertains, profitant de malentendus, l’envahisseur est séducteur et trouve en la femme blanche cette sève qui alimente sa vitalité. Charismatique et armé d’un aplomb sans faille, il se fera passer pour un riche businessman afin d’envoûter Agnès, une belle femme d’affaires fortunée sur qui il a jeté son dévolu. Malheureusement, l’illusion tournera vite court et dès lors qu’Agnès cherchera à se détacher de cet intrus, celui-ci se révélera tellement passionné qu’il en deviendra menaçant. Le comédien burkinabé Issa Sawadogo, sur qui repose presque tout le film, déploie une prestation époustouflante pour incarner cet outsider si insaisissable.
Dénué de tout manichéisme, le réalisateur a l’audace de placer cet immigré noir clandestin, non pas uniquement comme une victime, mais comme un vrai anti-héros distillant un comportement entre élégance et manigance. Nicolas Provost marque d'ailleurs les contrastes d’une fort belle manière, les oppositions parfois dérangeantes entre blanc et noir, bourgeoisie et pauvreté, hôte et occupant, et se joue des projections que nous avons sur les immigrés en tant qu’européens. « The Invader » rappelle le cinéma de Claire Denis pour le fond (« White material » entre autres) et le film « L’Autre » de Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic pour sa forme, son caractère obsessionnel et cette musique anxiogène qui surplombe chacun des plans les plus esthétiques du film. À la fois un magnifique voyage, presque onirique, et une sombre descente aux enfers d’un être cherchant à se faire une place dans une société qui le rejette…
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