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Simon James est employé dans une grande firme traitant des données pour ses clients. En se rendant à son travail, son attaché case, qui contient ses papiers d'identité, se retrouve coincé entre les portes du train, qui file avec l'ensemble de son contenu. Commencent alors les difficultés pour ce jeune employé timide et insignifiant, alors qu'il tente de passer la porte de son lieu de travail…
Il faut bien reconnaître que Richard Ayoade dispose d'un don certain pour capter et retranscrire les sentiments de personnages torturés par la solitude et leur inadaptabilité à la société. On l'a connu interprète d'un geek délicieusement à l'Ouest via l'hilarante série "The IT Crowd" puis, découvert en tant que réalisateur d'un portrait acidulé d'un adolescent en plein questionnement dans son propre univers. "Submarine" avait en effet déjà cet aspect décalé et cynique quant au côté sociopathe et autiste de son personnage principal.
Avec "The Double", son second film, Richard Ayoade continue sur cette voie en adaptant "Le Double" de Dostoyevsky. Simon James est un employé insignifiant dans une grande firme menée par un président qui se fait appeler "Le Colonel". Il vit reclus dans un petit studio en face duquel il a vue sur l'appartement d'une de ses collègues qui travaille au service copie et pour laquelle il a le béguin (la belle Mia Wasikowska déjà troublante dans "Stoker"). Au travail, il multiplie les tentatives pour l'approcher, mais sa timidité maladive l'empêche de nouer contact. Alors, il se contente de l'observer avec sa longue vue en train de dessiner seule dans sa chambre avant qu'elle ne mette systématique en pièce ses créations que Simon recueillera plus tard depuis le vide-ordure.
Mais en plus d'être maladroit dans ses rapports avec les autres, Simon n'est pas très chanceux et son quotidien va très vite vaciller après la perte de sa carte d'identité et l'apparition d'un nouvel employé, James Simon, qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Et a priori, Simon est le seul à vraiment le remarquer. Tout le monde est féru du nouveau qui arbore une confiance en lui sans faille. Toutes les femmes craquent pour lui et Simon le regarde, désemparé mais avec une pointe d'admiration, lui qui n'a jamais osé houspiller qui que ce soit pour obtenir ce qu'il souhaite. Bien qu'il lui ressemble physiquement en tous points, il est incapable de produire la même attraction envers les autres. Jesse Eisenberg est, à ce titre, au poil, puisqu'il joue parfaitement ces deux rôles et à la seconde où il entre à l'écran on peut deviner qui de James ou Simon il interprète.
C'est dans une ambiance rétro futuriste et même quasi-uchronique qu'Ayoade choisit de planter son décor. Un style, une architecture, une technologie coincée dans les années cinquante avec une bureaucratie kafkaïenne, l'univers de "The Double" rappelle fortement un "Brazil" mis en lumière par Marc Caro. À travers cette fable SF, Richard Ayoade esquisse visiblement un portrait critique de notre monde peuplé d'individus de plus en plus isolés à la recherche d'un meneur. L'assurance est plus que jamais une qualité essentielle dans les rapports humains où la loi du plus fort est toujours la meilleure. Tandis que Simon regarde James exploiter ses propres talents et en tirer les fruits en toute imposture, le spectateur lui, pourra faire ses propres parallèles avec sa propre expérience. Les niveaux de lectures sont multiples et c'est par ailleurs ce qui en fait une œuvre aussi riche. Sous ses airs de banal thriller surfant sur le mythe du doppelganger, ce film rivaliserait parfois presque avec les meilleurs Cronenberg…
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