affiche film

© 20th Century Fox France

THE BIRTH OF A NATION


un film de Nate Parker

avec : Nate Parker, Arnie Hammer, Marc Boone Junior, Aunjanue Ellis, Dwight Henry, Jackie Earle Haley, Colman Domingo, Penelope Ann Miller, Aja Naomi King...

Nat Turner est un esclave cultivé au service de Samuel Turner. Face à diverses difficultés financières, ce dernier accepte d’utiliser les talents de prêcheur de Nat pour remettre des esclaves indisciplinés dans le droit chemin. Mais un grand nombre d’atrocités, commises autant contre ses camarades opprimés que contre son épouse violée, vont pousser Nat à organiser une violente révolte. Une révolte qui s’achèvera dans le sang…


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Photo film

La forme élève le coeur, le fond le soulève

Existe-t-il pire sensation que de voir un film nanti de belles promesses (vantées ici et là par de récentes rumeurs) produire l’inverse de l’effet escompté ? Dans le cas du film de Nate Parker, le cas s’avère on ne peut plus édifiant, nous rappelant au final qu’un festival comme Sundance produit infiniment plus de réactions bizarres (et de films taylorisés, osons-le dire) que les autres festivals de cinéma. Rappel des faits : ici auteur à part entière du film (acteur, producteur, scénariste, réalisateur), Parker souhaitait évoquer le destin de Nat Turner, esclave prédicateur qui organisa une violente rébellion contre les esclavagistes de Virginie durant l’année 1831. Une rébellion qui, au-delà d’avoir intensifié le massacre des Noirs dans les états sudistes, aurait été l’un des moteurs de l’abolition de l’esclavage trente-quatre ans plus tard par le président Lincoln. Toutefois, être un historien du sujet ou pas n’est pas ici ce qui conditionne le jugement sur un film particulièrement ambigu.

On peut d'emblée presque considérer qu’emprunter le titre d’un film éponyme de D.W. Griffith était la fausse bonne idée du projet. Certes, ce dernier continue encore de déchirer les cinéphiles, partagés entre la célébration du caractère pionnier de sa mise en scène et la condamnation de son éloge nauséabond du Ku Klux Klan. Mais contre toute attente, le film de Nate Parker se veut moins une réponse à ce film qu’une continuité involontaire, tant la puissance de la forme doit se coltiner en permanence un fond prodigieusement douteux. Par rapport à des films comme "12 years a slave" (sensiblement plus fort et habité) ou "Django Unchained" (désormais LE film-référence sur le sujet), Parker semble n'avoir déjà rien à dire sur l’esclavage et se contente d’appuyer le manichéisme au premier degré. Grosso modo, les esclaves subissent les pires horreurs (mention spéciale au défonçage de dents au marteau !), les esclavagistes sont des monstres sadiques et intolérants, et le film se limite à faire grandir chez les premiers (et chez le spectateur, of course) un sentiment croissant de haine envers les seconds qui finira par exploser au moment de la révolte. Entendre l’acteur-réalisateur vanter son film en affirmant qu’il ne prône pas la haine donne presque envie de rire. Ou pas.

Certes, Nate Parker confère à sa mise en scène un vrai impact sensoriel et symbolique (à titre d’exemple, ce travelling arrière sur des papillons qui se posent sur les corps pendus marque la rétine), tout en laissant la musique et la puissance d’évocation des cadres être vecteurs de sens et d’émotion. Mais aussi techniquement irréprochable soit-il, le film achève de nous mettre en colère lorsqu’il tend à justifier la révolte de son protagoniste moins par le refus de sa condition d’esclave que par l’habit de guide spirituel – pour ne pas dire de prophète illuminé – qu’il souhaite revêtir. Révélant mine de rien l'apparente mégalomanie inquiétante de son créateur (lequel prétendait vouloir délivrer un « message » avec son film), "The Birth of a Nation" embrasse alors un radicalisme chrétien dépourvu de la moindre nuance, lequel exploite le contenu d’un livre religieux pour justifier son appel au meurtre (tiens tiens, ça ne vous rappelle rien, ça ?). Quant à cette fameuse polémique qui aura réussi à entacher la réputation de Nate Parker et à lui barrer la route vers les Oscars, elle met tellement bien en avant les contradictions du projet de départ que l’on préférera ne pas revenir dessus, histoire de rester poli…

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