affiche film

© Ad Vitam

THE ASSASSIN

(Nie yin niang)


un film de Hou Hsiao-hsien

avec : Shu Qi, Chang Chen, Yun Zhou, Tsumabuki Satoshi, Juan Ching-tien, Nikki Hsin-ying, Sheu Fang-yi, Ethan Juan…

Dans la Chine du IXe siècle, la jeune Nie Yinniang revient dans sa famille à la suite de nombreuses années d’exil et se voit remettre par sa mère un morceau de jade, symbole du maintien de la paix. Durant cette période d’absence, elle fut secrètement initiée aux arts martiaux et s’est imposée avec le temps comme une justicière impitoyable, attachée à éliminer les tyrans du royaume. Au même moment, l’Empereur tente de contrer les rébellions en segmentant l’empire chinois en diverses régions militaires, ce qui provoque l’ire de plusieurs gouverneurs. L’un d’eux, Tian Ji’an, ourdit un plan contre l’Empereur. Mais ce dernier est avant tout le cousin de Nie, que celle-ci devait épouser il y a longtemps et qu’elle doit désormais éliminer. Pour elle, un dilemme se pose alors : doit-elle tuer celui qu’elle aime ou abandonner son statut d’assassin ?



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Photo film

Une vraie performance de mise en scène, mais…

Il serait assez facile de dire que le cinéma de Hou Hsiao-hsien est à double tranchant. Entre ses films qui restent envoûtants par la volupté de son art et ceux qui plongent le spectateur dans les bras de Morphée avant même que la trame narrative n’ait envoyé ses premières cartouches, il y a un fossé qui n’a jamais cessé de se creuser et que "The Assassin" ne fera qu’alimenter. Surtout quand le métrage en question signe l’incursion du cinéaste taïwanais dans le domaine du wu xia pian, genre aux codes souvent prédéfinis dont seuls Tsui Hark (avec "The Blade") et Wong Kar-waï (avec "Les Cendres du Temps") s’étaient jusque-là imposés comme des révolutionnaires en or. Ce qu’apporte le cinéaste des "Fleurs de Shanghaï" n’est rien de moins que ce qui forme la pierre angulaire de son style depuis des années : un pur cinéma d’ambiance, quasi pictural et foncièrement contemplatif, où son rapport à la peinture invite le spectateur à s’en remettre aux lois les plus élémentaires de la construction scénique.

On le sait depuis une bonne dizaine de films : Hou travaille sa mise en scène comme un peintre en train d’exécuter un geste calligraphique sur une toile de papier. Tout est dans la caresse du mouvement, dans la composition hyper-pointilleuse des cadres, dans la texture flamboyante des décors et des costumes. Cela suffit en soi à nous immerger totalement dans cette Chine ancestrale, marquée par des dissidences politiques et des enjeux amoureux plus complexes qu’ils n’en ont l’air. En cela, "The Assassin" s’impose comme une performance plastique de tout premier ordre, ce que le Prix de la mise en scène glané au dernier festival de Cannes aura très justement récompensé. Là où ça se gâte, c’est dans la narration, tellement surchargée d’ellipses qu’on y sent presque un désintérêt de la part du cinéaste. Comme si Hou, moins préoccupé par le contenu que par l’emballage, peinait sévèrement à conserver une logique narrative harmonieuse jusqu’au bout – à moins que son but était simplement de capturer des états d’âme ? Sans parler du fait que l’extrême lenteur de la narration, ici assimilable à la vitesse d’un escargot shooté au Lexomil, n’est pas là pour favoriser notre attention.

À la réflexion, le problème de Hou Hsiao-hsien est un peu le même à chaque fois : un art pictural dénué de toute psychologie et d’expressivité frontale, mais qui tangue plus d’une fois vers la pose, élégante pour les uns, vaniteuse pour les autres. C’est un cinéma qui capte le monde sans forcément réussir à nous capter, faute d’une approche sensitive du découpage. À bien des égards, les seules fois où son cinéma se révélait accrocheur ne tenaient qu’à un montage épousant l’état second d’un personnage (voir le kaléidoscope sensoriel de "Millennium Mambo") ou à une narration stimulante parce que symbolique et éclatée (voir sa triple déclinaison du thème de l’amour dans "Three Times"). En l’état, "The Assassin" n’est qu’une sublime coquille vide, très agréable à regarder mais dépourvue de toute énergie interne. Pour le coup, on en oublierait presque de préciser que les combats d’arts martiaux, en plus de bannir toute perspective de chorégraphie chaotique et/ou virevoltante, se comptent ici sur les doigts d’une main. On en connaît qui vont être déçus…

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