© Kanibal Films Distribution
Sur les hauteurs de Villeneuve Loubet, avant 2009, trônait une décharge publique, saturée depuis des années. Un jeune homme du voisinage décida de s'installer en 2008 dans ce qui fut sa cabane de gamin, et d'observer ce qui se passe sur les lieux...
On était forcément intrigué par l'approche proposée vis à vis du thème déjà fortement exploité de la gestion des déchets. Fatih Akin avait tenté l'expérience avec "Polluting Paradise", tentant avec une demi-réussite de mêler description du tissu social alentour, et esquisse d'une analyse des problématiques rencontrées (pollutions, fuites, ouvrages défectueux, absence de tri, hypocrisie politique...). Le problème est qu'ici l'auteur semble avoir totalement oublié en route son propos, touchant à peine du doigt les problèmes liés aux origines des déchets qui arrivent ici (gaspillage, surproduction...), comme ceux liés à leur traitement ou leur stockage, n'adoptant au final aucun point de vue journalistique.
Se contentant de raccourcis faciles (le gaspillage de produits non périmés, les morceaux de discours du maire, les longs passages sur les tapis rouges d'un Festival de Cannes lâchement montré du doigt...), de la présence récurrente d'une icône passéiste (l'ami sorti des bois, en contact avec une nature que l'homme moderne méprise forcément...), ou de bribes de dialogues sans structure avec des employés de la décharge, l'auteur aime surtout à se mettre lui-même en scène. Mais il faut avouer que sa présence à l'écran ne sert pas à grand chose et que le montage même finit par faire douter du but de l'entreprise. Du ridicule des prétendues situations de « danger » dans lesquelles il se met (s'approcher au plus près des camions qui déversent leur contenu, marcher dans la merde, respirer les odeurs nauséabondes, tester comme nourriture certains produits laissés sur place...) aux commentaires qui apparaissent ponctuellement à l'écran, tout cela sème le doute sur l'honnêteté de l'entreprise.
Il faut dire que le summum est atteint au bout de 40 minutes de film lorsque Martin Esposito nous indique qu'il veut comprendre ce qui se passe sur place, sujet qu'il semble finalement soigneusement éviter, n'ayant accès qu'à des « on dit » et des bribes d'informations qu'il ne prend aucunement le soin de vérifier. Préférant jouer d'une symbolique facile (les têtes de poupées que l'homme écrase, telles des représentants des générations suivantes que l'on méprise en ces lieux de désolation...), on finit par se demander s'il est réellement resté sur les lieux pendant des mois comme semble le suggérer la narration (il y serait resté 14 mois). L'homme n'explicite quasiment rien de ses conditions de vie là-bas, ni sur les moyens qui lui ont permis de vivre sur place (à part récupérer quelques emballages ou boites de conserves au début, et tester une partie de la nourriture laissée sur place...). Sans parler des besoins les plus élémentaires : comment fait-il pour boire, ou se laver ? Car l'homme semble toujours en pleine forme et parfaitement vêtu et rasé. La question des réels moyens du séjour de ce jeune homme qui dénonce certes un phénomène indigne doublé de problèmes sanitaires évidents, se pose alors d'elle-même, faisant apparaître contradiction et potentielle hypocrisie dans les bases même d'une entreprise pourtant louable.
D'autant que même l'image finale achève de discréditer la démarche, en montrant des mouettes (oiseau qu'il a justement libéré quelques temps auparavant de divers pièges de la décharge, se posant ainsi en héros improbable) comme recolonisant les lieux, libérées des ordures, alors que c'était là même la raison même de leur présence sur ce dépotoir, à des kilomètres de la côte, trouvant ici leur nourriture, et qu'une fois la décharge sellée, elles vont devoir chercher de quoi se ravitailler ailleurs... Un signe indéniable d'une absence de documentation et surtout de réflexion, consternante pour qui se prétend documentariste. Les meilleures intentions font parfois les pires films, car il ne suffit pas de disposer d'une caméra pour avoir une idée de cinéma et réaliser un film digne de ce nom.
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