© Universal Pictures International France
Alors qu’il n’arrive même plus à payer le loyer de son appartement, qui est en réalité un garage aménagé, Cassius Green semble avoir enfin trouvé sa voie dans le télémarketing. Gravissant les échelons, le jeune homme va bientôt pouvoir prétendre à un poste à l’étage supérieur, où l’élite des vendeurs se côtoie. Mais cela ne sera pas sans conséquence…
De ce côté de l’Atlantique, peu de personnes ont déjà entendu parler de Boots Riley, leader du groupe de rap The Coup. Mais il suffit de lire quelques-unes de ses paroles ou de regarder sur Youtube certaines vidéos pour vite cerner la personne : un activiste qui n’a pas peur d’utiliser sa notoriété pour faire évoluer la société américaine et combattre les dérives racistes qui ne cessent de s’intensifier. Si la musique lui permet d’aiguiser sa critique acerbe d’un pays où l’on tire dans le dos d’un homme parce que sa couleur de peau supposerait une menace, l’artiste désirait frapper encore plus fort, développer une imagerie percutante pour étayer son propos.
Son pamphlet prendra la forme de "Sorry to Bother You", une caricature éminemment politique des États-Unis, où l’esthétique pop et colorée n’efface en rien la colère sourde de son auteur, une rage ardente qui explose à chaque séquence. L’histoire suit Cassius Green, un jeune black fauché qui vit dans un garage aménagé avec sa copine. Alors que celle-ci trouve sa voie dans le militantisme, lui trouve sa voix dans le télémarketing. Car en usant de sa « white voice », celui-ci multiplie les ventes, au point de pouvoir rejoindre l’élite des commerciaux, ceux bénéficiant de grands bureaux à l’étage supérieur. Si son ascension sera fulgurante, ses collègues ne suivront pas la même trajectoire, préférant s’unir pour réclamer de nouveaux droits.
Débute alors une satire mordante où le climat social régnant sur les terres de l’Oncle Sam est frontalement évoqué, et où l’aliénation au travail sert de nouvelle forme d’esclavagisme, conviant l’énergie des premiers Spike Lee comme des références assumées au chef d’œuvre de Fritz Lang, "Métropolis". Poussant la parodie jusqu’à l’extrême, ne s’affranchissant d’aucune limite, le film a tendance à perdre en efficacité paradoxalement dans ces moments où la folie se déchaîne, justement parce que le métrage séduit lorsque qu’il marie l’absurde aux revendications politiques sans privilégier une dimension sur l’autre. Volontairement outrancier, aux différents niveaux de lecture, "Sorry to Bother You" est un exercice de style bouillonnant, radical et ambitieux. S’il devrait diviser, il ne laissera en aucun cas indifférent. Et là, était bien la volonté de Boots Riley.
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