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Brandon est un trentenaire new-yorkais à la vie bien réglée. Il aime à séduire les femmes, comme un passe temps, le plus souvent pour des coups d'un soir. Un beau jour, débarque sans prévenir sa sœur, Sissy, chanteuse instable, qui va bouleverser son quotidien...
Présenté en compétition au Festival de Venise 2011, « Shame » est la seconde réalisation de l'anglais Steve McQueen (dont le premier film « Hunger » avait reçu la caméra d'or à Cannes). Traitant des obsessions d'un homme, enfermé dans une vision du sexe intimement liée au porno et aux rencontres faciles, cette œuvre sensorielle, capte les dérives d'un mode de vie moderne et urbain, visant à se protéger d'une réelle implication. L'arrivée de la sœur du personnage principal est ainsi le catalyseur d'un affect refoulé, qui signifie une mise en danger, par la remontée de souvenirs enfouis, ou une ouverture sociale qui ne se limite plus au superficiel des sorties en bar ou boîte, et des rencontres anodines et sans lendemain.
Maniant dans une première partie avec une certaine délicatesse la suggestion (la confiscation d'un ordinateur plein de « virus », une branlette sous la douche...), sans jamais rien montrer du plus glauque de la vie du personnage masculin, le réalisateur réussit à faire monter la pression autour de lui. Cet homme est pourtant séduisant, possède un sourire ravageur, et semble d'un naturel avenant. Il est en tous cas bien plus doué pour approcher les femmes que son collègue, qu'il accepte parfois d'accompagner dans ses virées alcoolisées. Mais paradoxalement, il se révélera peu à peu incapable d'avoir une relation normale, ou une sexualité dans la douceur (il confesse d'ailleurs lors d'un rendez-vous galant que sa relation la plus longue dura à peine quatre mois...).
Intelligemment, il paraît initialement bien plus équilibré que sa fragile sœur (Carey Mulligan), incapable également de tenir une relation sur la longueur, hésitant entre relations éphémères (avec le boss de son frère, ce qui ne manque pas d'être une mauvaise idée) et pulsions dépendantes. Interprété par un Michael Fassbender dévoué corps et âme à son personnage (on le verra aussi dans « A dangerous method » de David Cronenberg), et dévoilant absolument tout de son anatomie, il n'envisage la sexualité que forcément débridée. Le scénario, dans une seconde partie, se concentrant sur ses tentatives pour mener une vie normale, sa « honte » de ne connecter avec les autres qu'au travers d'artifices sexués. L'image sur laquelle apparaît le titre du film, « Shame » est d'ailleurs de ce point de vue fort bien trouvée, puisqu'il s'agit de draps souillés.
L'homme donnant parfaitement le change au quotidien, on le suit dans un ultime effort pour se débarrasser de ses démons. Lors d'une scène d'une violence extrême, il met au rebut tous les objets de tentation : cassettes pornos, ordinateur, revues... et même des pattes restées dans le frigo (dont on imagine l'usage détourné). Mais il est parfois trop tard pour se sortir de ses obsessions, la multiplicité des modes de rencontres actuels (boîtes, drogues, prostitution, internet, backrooms...) engendrant des comportements autres, quasi consuméristes. Au final, Steve Mc Queen, après avoir un instant laissé son personnage sortir la tête de l'eau, nous entraîne avec lui dans une implacable descente aux enfers, portée par une mise en scène sensorielle, au plus proche de son personnage principal, sorte d'éjaculation forcée au sens propre comme figuré, celui-ci se laissant aller à ses plus obscures pulsions. Magistral.
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