© Nina Paley
Moïse, Aaron, Jésus et le père de la réalisatrice Nina Paley racontent ici l’histoire de l’Exode, en se concentrant sur un angle précis : celui de la Déesse, divinité originelle de l’humanité, devenue moteur de lutte contre les forces patriarcales…
Les blasphèmes décoincés et salvateurs de "La vie de Brian" vous manquent ? Votre aversion pour les dogmes et les conventions religieuses est de plus en plus forte ? L’envie de rentrer dans le lard des idéologies patriarcales vous démange à n’en plus finir ? Soyez rassurés, âmes tout sauf vertueuses, le 7ème Ciel vous est ouvert et exaucera toutes vos prières avec "Seder-Masochism", prototype de brûlot animé dont le nombre de fidèles ne risque pas d’être très élevé chez ceux qui adorent (se faire) bouffer l’hostie. Mais ne pas croire non plus que cette relecture musico-subversive de l’Exode se voudrait une attaque bête et méchante envers une religion passée au Kärcher satirico-rock. Derrière la provocation se niche ici un vrai point de vue, subtil et acéré, sur le rapport antagoniste entre la spiritualité et la religion. Dès la scène d’ouverture, où l’apparition de la vie sur Terre se voit matérialisée par l’animation d’une divinité féminine façon trip surréaliste, la cible de Nina Paley est très clairement identifiée : les « textes sacrés », pensés et entretenus par un régime patriarcal qui passe ici aussi bien pour le marteau des sorcières que pour le mouton aveugle. Autant dire que ça va saigner.
Les discussions entre la réalisatrice et son propre père ont tellement été à l’origine même du projet que Paley l’a ici détourné de façon assez amusante, mettant en scène une conversation entre un petit animal à voix féminine qui remet tout en question et un dieu à apparence masculine qui peine à trouver des réponses. De ce principe se dégage petit à petit un constat plus qu’actuel : originellement pensée comme outil d’accomplissement personnel et de sublimation du divin, la religion s’est depuis perdue dans le non-sens de ses propres dogmes, parfois plus réducteurs et nauséabonds qu’autre chose. D’où cette réinvention des passages cultes de l’Exode à la manière d’un gros WTF musical, allant même jusqu’à envoyer valser contre un mur le sens présumé des Tables de la Loi. À titre d’exemple, il suffit de voir comment la cérémonie du veau d’or, que l’on pensait réduit à une métaphore du péché d’idolâtrie, devient ici une célébration de la femme libérée (sur fond du Woman de John Lennon !), pourtant vouée par la suite à la pire des oppressions suite à la colère d’un Moïse complètement à l’ouest. La femme comme figure matricielle du divin contre l’aliénation du conservatisme patriarcal : ainsi parle Nina Paley dans ce « Nouveau Testament » qui détourne tout et qui vise toujours juste.
Le choix de la musique anachronique (Dalida, John Lennon, Norman Whitfield, Louis Armstrong, Danny Elfman, Bud Coleman, Guns N’Roses, Led Zeppelin…) pour intensifier le sel parodique de chaque détournement produit ici un décalage des plus hilarants, qui plus est à partir d’une animation Flash très sommaire qui n’est pas sans rappeler les collages provocateurs de la série "South Park". Mais l’idée d’utiliser un art (la chanson) qui s’écarte radicalement de son périmètre imposé (pas de psaumes ou de chants religieux ici !) rejoint à merveille l’esprit de manipulation qui régit un tel projet, destiné à renverser le rapport de toute-puissance d’une cible trop orgueilleuse pour ne pas se prendre trop facilement le mur. "Seder-Masochism" devient ainsi un gigantesque bienfait musical et satirique, si salutaire par les temps qui courent que le simple fait d’apprendre sa prochaine mise en ligne gratuite sur YouTube par la réalisatrice elle-même (défenseure bec et ongles de « l’art libre ») suffit à imposer le respect. On imagine déjà la tête des grenouilles de bénitier et des fondamentalistes bornés qui s’en iront découvrir ce gros doigt d’honneur animé (des meilleures intentions).
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