(c) Bellissima Films
Au XVIIe siècle, Federico est accueilli dans un couvent par une soeur aveugle. Il entend dans les entrailles du bâtiment, les gémissements d'une femme. Un des religieux lui explique la situation : son frère se serait suicidé, et la seule possibilité pour pouvoir l'enterrer dans la cathédrale, serait de prouver qu'il a passé un pacte avec le diable. Pour cela, il va devoir assister aux trois épreuves que devra traverser cette femme, la nonne qui aurait séduit son frère, qu'il connaît lui aussi...
Présent en compétition au dernier Festival de Venise, Marco Bellocchio en est finalement reparti les mains vides, alors que beaucoup le donnait parmi les favoris. Auteur de "Vincere" (sur la femme cachée de Mussolini) ou du "Sourire de ma mère" avec Sergio Castellito, l'auteur italien retrouve ici ses thèmes fétiches, du pouvoir du clergé à l'influence de la religion sur la vie quotidienne du peuple. Séparant son film en deux époques distantes de quelques centaines d'années, il reprend certains des acteurs de la première histoire pour interpréter des rôles dans la seconde, laissant le spectateur libre d'interpréter les continuités ou résonances entre passé au XVIIIe siècle et monde moderne.
Il nous conte ici dans un premier temps une histoire de suicide et de sorcellerie, ménageant un certain suspense quant à la nature de ces épreuves de l'eau, des larmes et du feu, allégeant l'absurdité des actes par quelques scènes joyeusement drôles et blasphématoires (l'homme au lit avec les deux sœurs...) et magnifiant, par une superbe photographie, les scènes les plus difficiles (le plongeon filmé depuis sous l'eau, le contre-jour au pied du pont avec l'évocation de la silhouette du frère...). Puis Bellocchio bascule soudain à notre époque et nous invite à découvrir une sorte de supposé vampire, tentant d'éviter que le fisc ne vende sa demeure (le fameux couvent, désaffecté après avoir été pendant des années une prison) à un milliardaire russe.
Mêlant des réflexions sur l'état actuel de l'Italie (la vente du patrimoine aux étrangers, la course aux reçus liée aux réformes fiscales, les médecins qui ne peuvent plus distribuer des taux d'invalidité à tout va...) et le fonctionnement de ses élites, aux usuelles dénonciations des abus de pouvoir de l’Église, Bellocchio use de son cynisme habituel pour mieux faire rire, jaune. Son récit mêle satire politique (la scène de dialogue entre le vampire et son dentiste est un véritable délice), affaires de superstition, exil des plus riches et aveuglement de la population. Au final, avec intelligence, il livre une œuvre au mystère envoûtant, esthétiquement superbe et aux messages politiques forts.
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