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Une force d’élite de la D.E.A. prend d’assaut le repaire d’un important cartel de la drogue, avec pour objectif secret de s’emparer d’une somme de 10 millions de dollars en liquide. Mais l’argent disparaît mystérieusement peu de temps après le braquage… Six mois plus tard, après une longue période d’investigation, les membres de l’équipe sont libérés de tout soupçon et réintégrés dans leurs fonctions. Hélas, la disparition du pactole reste inexpliquée et alimente les soupçons parmi eux. Jusqu’à ce quelqu’un se mette à les assassiner les uns après les autres, selon un processus méthodique. Qui est l’assassin ? Où est passé l’argent ? Y a-t-il un lien entre les deux ?
Cette fois, on peut pousser un grand cri de soulagement. Oublions les nanars d’action que ce bon vieux Arnold en était réduit à investir dans les années 2000 pour payer ses biscottes. Supprimons de notre mémoire ses quelques caméos dans des comédies sans intérêt qui ne faisaient que le ridiculiser davantage. Et zappons de notre mémoire quelques-unes de ses récentes tentatives (hélas bancales) de revenir avec fracas sur le devant de la scène, surtout quand cela se limitait à conduire une Smart dans "Expendables 2" ou à jouer les shérifs fatigués dans "Le Dernier rempart". Le grand retour de Schwarzenegger, on le tient enfin avec "Sabotage" et on ne peut pas dire que c’était gagné d’avance. D’abord parce que la bande-annonce du film, gavée à n’en plus finir de plans gores, de sexe racoleur et de déflagrations d’action bourrine, semblait trop hallucinante pour être vraie, surtout au sein d’un cadre d’actionner hollywoodien. Ensuite parce que la présence de David Ayer à la réalisation, déjà coupable de tout ce que le polar urbain pouvait pondre de plus irritant (ne serait-ce qu’au travers du contenu clicheteux de "Bad Times" ou du found footage mal branlé d’"End of Watch"), nous faisait craindre le pire. Que l’on se rassure, donc : non seulement le film cristallise tout ce que promettait sa bande-annonce, mais son réalisateur ne s’est carrément fixé aucune limite.
Histoire de ne pas briser la surprise, on ne révèlera pas grand-chose de l’intrigue, d’une part parce qu’elle reste imprévisible de la première à la dernière seconde, d’autre part parce que la structure narrative qui la fait évoluer serait plutôt de l’ordre du gribouillage grossier, tantôt bâclé tantôt virtuose, dans sa rapidité d’exécution. Un défaut ? Bizarrement non, parce que sans doute assumé comme tel. On serait totalement prêt à y voir un parti pris de metteur en scène, tant le filmage amphétaminé de David Ayer, tout en caméra portée et en effets de style ostentatoires (dont notre préféré : celui de la caméra collée au canon d’un flingue !), se calque à merveille sur cette instabilité narrative. La scène d’ouverture de "Sabotage" ne laisse d’ailleurs aucun doute sur les intentions graphiques du cinéaste : dix minutes de nervosité pure et dure où le goût d’Ayer pour l’action badass et la vulgarité la plus crasse s’invite au sein d’un montage sous taurine, riche d’une énergie interne proprement inouïe, au même titre que ne l’étaient déjà les accélérations de rythme du tandem Neveldine/Taylor sur le diptyque "Hyper tension". Et cette énergie ne faiblira jamais tout au long d’une intrigue certes bordélique, mais tout de même plus maline que prévu, sorte de version énervée et urbaine des Dix petits nègres qui joue à merveille sur les bascules narratives et l’utilisation détournée du montage parallèle.
Au sein d’un cadre urbain aussi étouffant, gangréné par la violence et filmé littéralement comme un dépotoir à ciel ouvert, David Ayer fait surtout œuvre de nostalgie envers cette époque bénie d’un cinoche d’action mal élevé et sans aucune limite, où l’on pouvait encore voir des antihéros super-cools en train de faire parler la poudre tout en lâchant une punchline toutes les trente secondes. Les acteurs s’en donnent donc ici à cœur joie, renouant sans honte avec le stéréotype du flic violent et monté sur burnes, surchargé de flingues aussi gros que ses pectoraux, avec encore plus de testostérone dans les couilles que de sang dans le reste du corps. À noter que la gent féminine intègre aussi ce stage de relooking burné : sur ce point-là, c’est peu dire qu’on n’est pas prêt d’oublier la prestation de Mireille Enos ("World War Z"), plus destroy et excessive que tout le reste du casting dans son rôle de femme d’action punk, aguicheuse et droguée jusqu’à la moelle. Tout ce petit monde forme ici une équipe à la fois soudée et fragile, si persistante dans son mauvais goût et son refus des lois qu’elle en arrive inévitablement à sombrer dans l’excès, l’autodestruction et la méfiance réciproque. D’où le recours d’Ayer à une enfilade de scènes d’action extrêmes, riches en giclures d’hémoglobine et en explosions de cervelles cadrées sans recours au hors-champ, qui testent rudement la solidité du groupe.
Reste l’ami Arnold, qui reconfigure enfin le mode « bourrin » sur sa carapace de Terminator monolithique et remet les idées en place chez ceux qui le voyaient désormais destiné à couler des jours tranquilles en maison de retraite. L’ancien gouverneur de Californie n’a rien perdu de sa force ni de son charisme, et le prouve ici en mettant son corps autant au service de l’action brutale (et ça en fait, des dégâts !) qu’au centre des enjeux souterrains du récit (son statut de leader meurtri n’est pas aussi passif et détaché qu’on ne pourrait le penser). Jusqu’à un final westernien hautement jouissif, qui voit enfin cette grande masse mythique tirer sa révérence à son modèle Clint Eastwood : silhouette immobile, mâchoire carrée, regard flippant, flingue prompt à faire des dégâts, sans oublier le Stetson sur le crâne. Tout un esprit sec et rentre-dedans que l’on désespérait de revoir un jour dans le cinoche d’action pur et dur, et que David Ayer parvient ici à réactualiser au travers des codes les plus basiques du polar urbain. On n’en espérait pas tant.
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