© Pathé Distribution
Guillaume Canet a tout pour ĂȘtre heureux : le succĂšs de ses films, le soutien de ses amis et de ses producteurs, sa maison de campagne, ses chevaux, sans oublier lâamour de sa femme Marion Cotillard. Mais un jour, sur un tournage, lorsquâune comĂ©dienne de 20 ans ose une remarque anodine sur son Ăąge, câest le choc. Ă 43 ans, est-il toujours aussi « rock », et est-ce que câĂ©tait dĂ©jĂ le cas vingt ans auparavant ? Ayant peur dâĂȘtre devenu ringard et dâavoir moins de succĂšs auprĂšs de la gente fĂ©minine, Guillaume va tout chambouler sous le regard mĂ©dusĂ© de son entourage. JusquâĂ commettre lâimpensableâŠ
Parler du nouveau film de Guillaume Canet est une vĂ©ritable tannĂ©e pour un critique, dĂ©jĂ parce que rentrer dans le vif du sujet revient Ă griller la majoritĂ© des surprises proposĂ©es (et il y en a !), ensuite parce que lâon sent derriĂšre ce film quelque chose que lâon nâavait sans doute jamais soupçonnĂ© chez le bonhomme, Ă savoir une propension assez dingue au « lĂącher-prise ». Que "Rockân Roll" soit le fruit dâune vĂ©ritable remise en question chez Canet nâa rien dâĂ©tonnant : faisant suite Ă une longue annĂ©e de rĂ©flexion aprĂšs le rejet intime des "Petits Mouchoirs" et lâĂ©chec commercial de "Blood Ties", lâacteur-rĂ©alisateur avait sans doute eu envie de remettre les compteurs Ă zĂ©ro, quitte Ă revenir Ă quelque chose de plus insolent (Ă lâimage de son premier long-mĂ©trage "Mon idole") ou Ă saborder une image mĂ©diatique qui, on sâen doute, prĂȘte toujours le flanc aux extrapolations les plus fausses. Quelle image lâartiste peut-il â ou doit-il â renvoyer ? Et quelle image de lui le public essaie-t-il de lui renvoyer in fine dans la tronche ? Ces questions nâauront ici pas de rĂ©ponses, parce que Canet cherche moins Ă distinguer le vrai du faux quâĂ jouer avec, si possible avec une mentalitĂ© de sale gosse qui nâa peur de rien et qui se fout complĂštement de saccager sa chambre bien rangĂ©e.
Une telle dĂ©marche punk a de quoi rappeler celle opĂ©rĂ©e par Joaquin Phoenix avec le cĂ©lĂšbre documenteur "Iâm Still Here", dans lequel lâacteur hollywoodien laissait la camĂ©ra de son beau-frĂšre Casey Affleck enregistrer le dĂ©sastre total de sa supposĂ©e reconversion en rappeur barbu. Le rĂ©sultat suscitait hĂ©las moins le rire que la gĂȘne, et paraissait mĂȘme encore plus antipathique lorsquâon apprenait que tout ceci nâĂ©tait juste quâun gros bidonnage dĂ©nuĂ© dâintĂ©rĂȘt. Canet, lui, ne fait pas la mĂȘme erreur : le dĂ©lire masochiste quâil sâinflige ici est comme un rouleau-compresseur qui englobe aussi bien sa propre personne que son entourage (de ses parents Ă ses amis, tout le monde joue ici son propre rĂŽle !), avant dâembrayer sur une fiction volontairement too much qui Ă©lĂšve lâobsession de lâimage mĂ©diatique Ă un haut degrĂ© de monstruositĂ© â on nâen dira pas plus. En donnant ainsi la sensation dâavoir clairement pĂ©tĂ© une durite et en jouant du fait de transformer sa carriĂšre en champ de ruines pseudo-punk, Canet signe un film qui Ă©quilibre la chronique intimiste entre potes (façon "Les Petits Mouchoirs") avec la satire dĂ©complexĂ©e sur la starification (façon "Mon idole"). De lĂ Ă y voir le film le plus proche de sa vraie personnalitĂ©, il nây a quâun pas que lâon franchit allĂšgrement.
Fort de ce point dâancrage idĂ©al, Canet se concentre donc sur la mise en valeur de dialogues punchy dont il a souvent eu le secret en tant que scĂ©nariste, de situations gratinĂ©es oĂč il tourne son parcours en dĂ©rision (malaise en pleine cĂ©rĂ©monie des CĂ©sars, biture cocaĂŻno-paralytique sur YouTube, saccage rock dâun anniversaire sur fond de Plastic BertrandâŠ), entretient des suppositions stĂ©riles sans chercher Ă les infirmer (existe-t-il vraiment un lien de parentĂ© entre Yvan Attal et Alain Attal ?), pousse lâobsession outranciĂšre de lâactorat vers des limites rarement atteintes (Marion Cotillard dĂ©zingue ici son image dâaspirateur Ă awards avec un accent quĂ©bĂ©cois Ă se rouler en nem sur la moquette) et sâamuse comme un fou des possibilitĂ©s dâune mise en scĂšne sans aucun port dâattache, oĂč la fluiditĂ© dâun plan-sĂ©quence sâancre sans crier gare avec des instants oniriques totalement barrĂ©s (dont un concernant CĂ©line Dion⊠on vous laisse la surpriseâŠ). Avec un seul dĂ©sir au final : sâamuser de tout, des autres et â surtout â de lui-mĂȘme, sans aucune arriĂšre-pensĂ©e. Y a pas Ă dire : foutre en lâair son image, ça lui rĂ©ussit.
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