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Zev, 85 ans, survivant de l’Holocauste, souffre de démence sénile. Pris en charge dans une maison de repos médicalisée, il enchaîne les moments de confusion, allant jusqu’à oublier que son épouse Ruth vient de décéder. Le jour de l’enterrement, son ami Max lui confie une lettre destinée à lui rappeler une promesse qu’il a faite à sa femme : celle de retrouver l’ancien Nazi qui a massacré leur famille respective. Il s’appelle Rudy Kurlander, et quatre individus portent ce nom aux Etats-Unis…
L’œuvre d’Atom Egoyan, cinéaste canadien habitué des grands festivals et pourtant si mystérieux, a d’intéressant qu’elle est ancrée dans son temps, mettant en évidence avec force mélancolie l’aliénation des hommes par le système. Pourtant, c’est en rompant avec cette ligne de conduite que son cinéma a récemment pris de l’ampleur, délaissant les récits méandreux et un chouillat ésotériques au profit de fictions plus assumées mais non moins dénuées de profondeur psychologique. Ce virage s’est matérialisé en 2014 avec le labyrinthique "Captives", qui mettait en scène la star Ryan Reynolds, en père de famille désespéré par le kidnapping de sa fille mais résolu à la retrouver envers et contre tous. Puis arrive "Remember", quête humaine là aussi, mais aux enjeux dépassant la simple fiction individuelle. C’est précisément sur cet aspect que le cinéaste se surpasse.
Car si le périple de Zev s’avère finalement assez linéaire (retrouver les homonymes de son bourreau un par un et les questionner jusqu’à trouver le bon), il procure autant de sensations que quatre films réunis. À la fois vigilante movie, thriller psychologique, road-movie gériatrique et drame métaphysique, "Remember" captive, passionne et émeut, avec une rare élégance. On est bien loin de l’insipide et touristique "This must be the place" de Paolo Sorrentino, à l’intrigue approchante. Mais la grande force du film, c’est aussi et surtout l’extraordinaire mise en abyme construite par Atom Egoyan autour de la question de la mémoire, ou plutôt de l’oubli. Car au-delà de son utilité dans la progression de l’intrigue (et de sa portée dramatique il faut bien l’avouer), la démence sénile de Zev est au cœur d’un dispositif narratif bien plus complexe qu’il n’en a l’air. Le spectateur est baladé, jusqu’à un final hallucinant aux résonances multiples.
Enfin, ce film ne serait pas une telle réussite sans le jeu incroyable de Christopher Plummer, qui simule avec un réalisme effarant les faiblesses de l’âge (son âge !). Fébrile mais résolu, apeuré mais courageux, on ne le quitte pas des yeux, frémissant avec lui des épreuves qu’il doit traverser pour accomplir son dessein. On ressort du film complètement sonné, avec la nette impression d’avoir assisté à une performance de haut niveau et, accessoirement, d’avoir vécu un grand moment de cinéma.
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