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Luciano, marié et père de trois enfants, vit de son métier de poissonnier et de petits trafics. Très populaire dans son quartier napolitain, il s’adonne aussi à des performances d’acteur à l’occasion de mariages ou de diverses festivités. Après avoir rencontré un participant de Grande Fratello (le Big Brother ou Loft italien), et poussé par ses enfants, Luciano décide de s’inscrire pour participer à la nouvelle saison de la célèbre émission…
Quatre ans après le retentissant « Gomorra », fiction documentaire décrivant les luttes internes au sein de la mafia napolitaine (la Camorra), Matteo Garrone est revenu en compétition au festival de Cannes avec un film qui s'inscrit dans un registre radicalement différent. S’inspirant d’une histoire vraie, il livre une comédie sur un homme issu d’un milieu modeste se retrouvant aspiré dans une quête de célébrité, qui lui fait perdre peu à peu pied. Convaincu, suite au casting et face à l’enthousiasme général de ses proches, qu’il va être choisi pour l’émission, il s’imagine alors qu’il est épié par la chaine télévisée, et que ses moindres faits et gestes peuvent être décisifs. Cette paranoïa, gentillette au début, va cependant finir par gagner du terrain, devenant à la moitié du film son principal sujet. Il n’est donc pas ici question de critiquer les phénomènes de la télé réalité ou de la célébrité (nous sommes quand même en 2012), mais plutôt de se pencher sur les rêves parfois démesurés qu’ils suscitent chez les « petites gens ».
Partant de là, les ressorts comiques sont nombreux. Pour maximiser ses chances d’être appelé, Luciano va prendre des décisions absurdes, allant de la remise offerte à une cliente de la poissonnerie qu’il soupçonne d’être de la partie, à une générosité démesurée à l’égard de voisins démunis. Un comique qui fonctionne assez bien, aidé par des dialogues incisifs au sein du couple formé par Aniello Arena et Loredana Simioli. À mesure que le personnage de Luciano sombre dans sa paranoïa, quelque chose d’intéressant se produit : la peur du regard des autres s’actionne, les mécanismes de la famille se mettent à agir. Pour renforcer l’absurdité de cette obstination, et aussi d’une certaine manière la légitimer, Matteo Garrone creuse le contraste entre le monde tant convoité par Luciano et celui dans lequel il vit, renforcé par une bande son façon Disney et le choix ironique d'une photographie chatoyante à la Martin Parr, photographe connu pour son travail sur le tourisme de masse.
Malheureusement, cela ne suffit pas à faire de « Reality » un film passionnant. À trop insister sur la paranoïa de Luciano et son obsession pour la télévision, il finit même par tourner en rond. Pendant près d’une heure, on se fatigue de voir le héros camper sur ses positions malgré les réticences grandissantes de son entourage et le ridicule qui lui colle à la peau. Le semblant d’émotion qui entourait sa démarche initiale n’est plus. On en ressort tiédi, avec la désagréable impression d’avoir vu un film sans importance.
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