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Une petite fille court dans la boue au milieu d'un champ. Peu à peu la nuit tombe et l'orage éclate. Dans la maison, le diable ouvre diverses portes, cherchant celui qu'il va vraisemblablement emporter. Dans le village de campagne où la famille aisée de Juan s'est fraîchement installée, il leur faut peu à peu s’accommoder du monde rural qui les entoure...
Le réalisateur mexicain Carlos Reygadas est habitué à diviser la critique et les spectateurs de par ses partis pris de mise en scène, provoquant souvent un certain malaise, basé sur la langueur des plans et l'approche d'une nudité plus crue qu'érotique. Venu à Cannes avec chacun de ses films, il y remporta la Caméra d'or avec « Japón », avant de repartir bredouille de la compétition avec le troublant « Batalla en el cielo » puis de s'emparer du Prix du jury en 2007 avec le laborieux « Lumière silencieuse ». Son dernier film aura eu encore plus de chance, puisque présenté en compétition en 2012, il valu au réalisateur un fort contesté prix de la mise en scène.
Il faut dire que l'approche de Reygadas, mêlant religion, culpabilité et sexualité, n'est pas du goût de tout le monde. Avec « Post Tenebras Lux », il nous livre donc une œuvre une nouvelle fois déroutante, dont le scénario ne fonctionne pas vraiment, mais la mise en images ensorcelle ponctuellement, autant qu'elle agace par moments. La première scène, contemplative, suit par exemple une petite fille qui marche en bottes dans un champ détrempé, au milieu de vaches et de chiens qui s'entrecroisent. Filmée avec une focale créant des dédoublements de l'image sur son pourtour, cette longue introduction nous plonge progressivement dans l'obscurité de la nuit, puis au cœur d'un orage, avant de nous faire pénétrer dans une maison où apparaît une silhouette de diable rouge incandescent, armé d'une mallette de médecin, et cherchant visiblement une chambre où accomplir son œuvre.
Lorgnant clairement dans cette scène du côté d'Apichatpong Weerasethakul, lauréat de la Palme d'or 2010 pour « Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures », Reygadas nous invite ensuite à un récit au passé, en apparence éclaté, qui reviendra boucler sur la mort initialement annoncée. Attisant la curiosité par ses aspects les plus énigmatiques, son scénario exploite d'abord la culpabilité liée à une sexualité "déviante", faisant de l'homme riche un pervers matant du porno (son ordinateur est totalement infesté, et il avoue avoir un problème avec Internet...), qui rêve d'expériences échangistes (donnant ainsi une scène clé, toute nimbée de rouge, sensée créer le dégoût).
En plus de cette problématique presque anodine, il tente de développer l'opposition entre différentes classes sociales, jouant sur le contraste entre intérieurs riches ou précaires, et sur les pratiques de langages (certains paysans du coin semblent incapables de parler sans utiliser une insulte à chaque phrase). Lentement, il met en évidence les relations de famille ou de voisinages hypocrites, forcément biaisées par la nature employeur-employé ou par le rapport à l'argent.
Mais chez Reygadas le principe est simple : tout le monde est coupable et sera donc puni. Du coup pas vraiment de surprise, et malgré la beauté de la photo et l'artillerie lourde sortie en matière de symbolique (le passeur d'âmes sur sa barque, l'arbre coupé en pleine vigueur, qui chute par trois fois, l'hallucinant plan final...), Reygadas a bien du mal à embringuer le spectateur dans son nouveau trip fantasme / culpabilité / punition divine. Dommage, car on aurait aimé croire à cette histoire de crépuscule de deux couples et de renaissance à la vie. Si seulement l'auteur s'était intéressé à ses personnages en leur donnant un peu de substance, au lieu de juste les condamner par avance. Étirant lui aussi son récit, comme bon nombre de prétendants cannois du cru 2012, en des longueurs interminables et inutiles, il donnera du coup envie à certains de se faire subir le même sort que le personnage du fameux et inoubliable dernier plan.
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