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Depuis des générations, les tanukis coulent des jours paisibles dans les verdoyantes collines de la campagne japonaise. Mais un jour, tout bascule pour plusieurs tribus d’entre eux, envahis par les bulldozers et les promoteurs immobiliers. Victimes de l’explosion démographique des tokyoïtes, ces animaux extraordinaires doués de parole et d’un étonnant pouvoir de transformation entendent toutefois ne pas se laisser faire…
Après Goshu, le Viollonceliste (1981 / 2003 en France), Horus, Prince du Soleil (1968 / 2004 en France) et Kié, La Petite Peste (1981 / 2005 en France), Pompoko est la nouvelle ressortie d’un inédit d’Isao Takahata, rendu célèbre en France par Le Tombeau des Lucioles (1988). Beaucoup moins vieux que ses précédentes ressorties, Pompoko, produit en 1994, est l’avant dernier film du réalisateur.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce dernier, il est souvent qualifié d’artiste atypique, en perpétuelle recherche graphique, et on entend souvent dire qu’aucun de ses films ne se ressemblent, au moins esthétiquement (ce qui explique qu’il est souvent resté dans l’ombre de son ami Miyazaki). Mais bizarrement, Pompoko est l’exception à cette règle. En effet, les tanukis ont une étrange ressemblance avec le chat de Kié, certains décors respirent l’atmosphère paysanne de Goshu (ou encore Omohide Poro Poro (1993), encore inédit en France) et certains « délires » visuels annoncent Mes Voisins les Yamada. Sans parler du character-design (design des personnages) qui est, quant à lui, complètement « Ghibliesque ». Mais du côté scénario, force est de constater qu’il y a de quoi être surpris.
Sorte de chronique, le film suit avec une grande rigueur narrative les tribulations d’une colonie de tanukis qui a littéralement déclaré la guerre aux humains. Décrites avec un humour omniprésent et vraiment réussi, le spectateur est ainsi amené à suivre les actions menées contre les humains dans le but de faire échouer le vaste chantier d’urbanisation qui transforme à une vitesse effroyable le paysage en « collines sans visages. »
Pour parvenir à leurs fins, les tanukis ont alors mis en place un plan sur cinq ans, mais, on s’en doute, rien ne se passera comme prévu. Ces animaux sont en effet présentés comme paresseux et impulsifs et, entre la restriction des naissances qui n’est pas respectée, les opérations kamikazes menées dans le dos des chefs, et même une tentative de coup d’Etat, c’est à une véritable parodie de politique à laquelle nous avons droit. Le dessin participe également à cette parodie, les tanukis pouvant évoluer d’une représentation graphique dramatisée ou réaliste à une autre simpliste, voire caricaturale, et ce en un clin d’œil. Certes, c’est un usage des plus courants dans l’animation japonaise (technique dite « S.D. » autrement dit « Super Deformed »), mais ici, Takahata justifie ces modifications incessantes par le pouvoir de transformation des tanukis. Du coup, ces transformations ne semblent pas alourdir le scénario car elles ne constituent pas d’apartés humoristiques puisqu’elles sont inclues dans le récit lui-même.
Ce type d’animation, assez inhabituel pour une production Ghibli, marque le principal attrait de Pompoko même si l’effet comique qu’il produit s’essouffle un peu en fin de film. Il faut dire que le film dure deux bonnes heures, et que la forme ne peut pas à elle seule soutenir la réussite d’un film, puisque ici le fond finit par faire défaut. En effet, tout l’enjeu du scénario est finalement de savoir quelle place a (ou devrait avoir) l’Homme dans la Nature, ou plutôt quelle place la Nature lui réserve.
Dans ce débat, plusieurs idéologies s’oppose, celle de Shôkichi qui envisage une cohabitation possible avec les humains, celles des anciens de Shikoku qui préconisent un retour à la spiritualité pour leurs voisins bipèdes ou bien celle radicale de Gonta qui considère que les humains n’arrêteront jamais leur expansion de leur propre chef et c’est pourquoi il faut tous les tuer. Mais le principal problème du film, c’est qu’il ne fait pas évoluer les positions des différents protagonistes et surtout qu’il ne prend pas position. Ce dernier point trouve sa cause dans le point de vue extérieur par lequel le scénario est traité. Et ce qui était au début l’un des points forts de l’originalité du film finit par se retourner contre ce dernier, tant il est vrai que la présence d’une voix off omnisciente brise toute identification du spectateur à un personnage et limite parfois les enjeux dramatiques de certaines séquences.
Reste que Pompoko fourmille de bonnes idées, et même si toutes ne sont pas développées, il se positionne au-dessus de la plupart des dessins animés pour enfant. Mais après tout, le public visé est-il bien celui des enfants ? En effet, malgré un graphisme et un scénario de base qui le laisserait penser, le film bénéficie d’une grande maturité, et d’un ton assez direct qui peut surprendre. En effet, on y parle assez directement de sexe, et les tanukis utilisent souvent à l’appui de leurs transformations … leurs parties génitales (ce qui n’est pas sans rappeler les bagarres de chat de Kié, la petite peste dans lesquelles le déshonneur ultime est de se faire arracher une testicule …) Ainsi, le spectateur non averti pourrait être quelque peu surpris et on peut se demander si ce film atypique trouvera son public (espérons-le). En tout cas, félicitons la démarche courageuse des distributeurs qui, une fois n’est pas coutume, risque une sortie en salle au lieu d’une traditionnelle édition en DVD (technique pourtant très répandue en France en ce qui concerne la japanimation…)
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