© Diaphana Distribution
Mija est une grand mère de 66 ans, attentionnée, qui aime à s'habiller élégamment en toutes circonstances et à arborer des chapeaux aux motifs floraux. Assistant à des cours collectifs de poésie, elle cherche à trouver l'inspiration dans la nature et dans son quotidien. Effarée, elle découvre un beau jour que son petit-fils, sur lequel elle a bien peu d'influence, aurait participé à un crime innommable...
Il y a quelque chose de « pourri » dans les scénarios de Lee Chang Dong ("Oasis", "Peppermint candy", "Secret sunshine"), quelque chose qui, systématiquement derrière la beauté des gens et de leurs sentiments, vient gâcher la vie de ses personnages. "Poetry" (prix du scénario à Cannes 2010) n'échappe pas à la règle, en mettant en scène une grand-mère, dont le petit-fils est sensé avoir participé à un viol collectif. Entre soutien indéfectible, difficultés à trouver l'argent qui fera taire la famille de la jeune fille, suicidée depuis, et tentatives désespérées d'affirmer son autorité vis-à-vis d'un gamin en roue libre, le personnage principal se retrouve face à une réalité bien lointaine de ses aspirations créatrices et de cette poésie qu'elle idéalise un temps.
La terrible humanité est donc ici opposée à la beauté de la nature, source d'émerveillement quotidien, et à la poésie, aspiration à la pureté. Côté humain, tout est ici question d'honneur à sauvegarder : renommée de l'école, avenir des enfants, réputation de la grand-mère poussée au vice par un "président" amoindri par une attaque cardiaque, et dont elle doit s'occuper jusque dans la plus stricte et pathétique intimité. Côté poésie, l'amour de l'écriture offre de véritables respirations au personnage comme au spectateur dans cette histoire plutôt triste, apportant quelques scènes comiques facteurs d'un certain équilibre.
Intelligemment, les motifs du meurtre ne sont quasiment pas évoqués ni recherchés. Lee Chang Dong travaille sur la fatalité et l'engrenage des évènements, son héroïne peinant à masquer ses difficultés financières et son impossibilité à trouver l'argent demandé. Il s'intéresse aux arrangements personnels, aux compromissions auxquelles est prêt l'être humain pour arriver à ses fins : ici sauvegarder un petit-fils dont on ne questionne pas le mérite. Il s'agit de lien et non de raison. L'évocation des personnalités des enfants est d'ailleurs soigneusement évitée, rendant leur crime effroyablement ordinaire. Heureusement, il y a la fascination salvatrice de la grand-mère, pour la beauté et la poésie, qui se révèle sur la fin une véritable bonne idée, permettant d'aborder avec pudeur le suicide de la jeune fille, lors d'une magnifique scène où elle accouche enfin d'un poème inspiré. Un film douloureux, où poésie et humain finissent par se rejoindre avec délicatesse.
LA BANDE ANNONCE
Cinémas lyonnais
Cinémas du Rhône
Festivals lyonnais