Dans un grand centre commercial de la capitale suédoise, trois pré-adolescents se font chahuter par un groupe de jeunes de banlieues. Apeurés, les trois amis tentent de les semer. Ils se font finalement alpaguer par la bande, qui prétend que le portable de l'un des jeunes ressemble étrangement à celui d'un ami qui s'est fait racketter il y a peu...
S’il avait été sélectionné en compétition officielle, « Play » aurait été le film-scandale de cette édition du Festival de Cannes 2011. Inspiré d’un fait s’étant réellement produit : le « vol » presque consenti d’un téléphone portable appartenant à un enfant blanc par cinq garçons noirs, « Play » décortique la technique du « coup du petit frère » qui fut utilisée par une bande de jeunes suédois entre 2006 et 2008. Elle consiste à faire croire que le frère d’un des racketteurs s’est fait voler son portable et à demander le téléphone de la victime pour vérifier s’il ne s’agit pas de celui-ci.
Les racketteurs utilisent cette technique, très bien huilée, et s’attribuent des rôles de gentils et de méchants en simulant de fausses disputent en face de leurs victimes. Niant à chaque fois que leur but final est de voler, même lorsque les gosses leurs proposent leurs affaires en échange de leur liberté, le gang n’a jamais à utiliser de menaces directes, ni de violence physique. Celle-ci deviennent superflues dans la mesure où on les en croit capable. Ce qu’ils représentent insuffle un sentiment d’insécurité pour les jeunes biens plus proprets auxquels ils s’adressent. Les incrédules n’ayant jamais eu à subir de racket durant leur plus jeune âge auront certainement du mal à adhérer à l’asservissement de ces jeunes blancs en train de se faire mener aussi facilement vers un si évident traquenard. Il faudra en effet une bonne dose d’empathie pour se rendre compte de l’état d’esprit et d’intimidation dans lequel se retrouvent ces jeunes à peine moins âgés que leurs racketteurs.
Passionnant dans sa rhétorique et évoquant la dialectique comme arme suprême au cœur d’un monde de contradictions idéologiques et sociologiques, Ruben Östlund dresse avec « Play » un révoltant et glaçant constat qui laisse la tension s’installer séquences après séquences. Non dénué pour autant d’humour, il en profite pour tacler par la même occasion le modèle de société et l’autorité suédoise avec cette histoire de berceau abandonné dans le wagon d’un train ou encore la séquence de contrôle dans le métro qui rend compte de l’état procédurier qu’est devenu la Suède.
En plus d’un fond passionnant et incroyablement profond, « Play » est aussi impressionnant d’un point de vue formel. Tourné exclusivement en plan fixes, les mouvements et zooms-arrière crées en post-production dévoilent le plus souvent dans leurs recoins, en avant comme en arrière plans, quelques clés essentielles qui donnent une toute autre dimension au propos.
Les longues séquences se succèdent et trouvent leur rythme dans les jeux excellents des jeunes acteurs qui enchaînent tour à tour leurs jeux de rôles et leurs petits complots pendant souvent plus de dix minutes. Voir les deux groupes interagir à travers l’excellent sens des plans du réalisateur et sa brillante utilisation du hors-champs est tout bonnement captivant. Pour couronner le tout, Östlund clôt son film sur une scène absolument surprenante et dérangeante, jouant avec brio sur les attentes et la position du spectateur. Une réussite totale.
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