affiche film

© Ad Vitam

PLANÉTARIUM


un film de Rebecca Zlotowski

avec : Natalie Portman, Lily-Rose Depp, Emmanuel Salinger, Louis Garrel, Amira Casar, Pierre Salvadori, Damien Chapelle...

France, fin des années 1930. Lors d’un voyage nocturne en train, l’Américaine Laura Barlow retrouve par hasard Madame Saïd, une vieille connaissance de l’époque où toutes deux s’adonnaient aux plaisirs des mondanités parisiennes. Elle se remémore alors ses aventures aux côtés de sa jeune sur Kate, avec qui elle formait un duo de médium fascinant, et leur rencontre avec le riche André Korben, un célèbre producteur de cinéma…


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Photo film

POUR : Niveau +2 - Fascinante chimère

Quel changement de registre ! Après l’intimiste "Belle épine" et le métaphorique "Grand central", Rebecca Zlotowski s’attaque à un genre cinématographique où personne ne l’attendait : le drame historique à tendance surnaturelle. Munie d’un casting franco-américain tout aussi surprenant, où se côtoient stars montantes (Lily-Rose Depp, déjà vue deux fois au cinéma en 2016) et acteurs sur le retour (Emmanuel Salinger, cantonné aux petits rôles depuis une vingtaine d’années), la réalisatrice française met en scène un scénario foisonnant, riche d’intrigues et de ruptures de ton. En résulte un métrage qui déroute un peu, car ne répondant pas aux schémas classiques narratifs, mais qui se démarque par son étonnant pouvoir d’attraction.

S’inscrivant dans un Paris des années folles où toutes les excentricités ont leur place, à l’aube d’un drame planétaire encore imperceptible, le scénario de "Planétarium" s’articule autour de trois personnages piliers. D’abord la jeune Kate (crédible Lily-Rose Depp), seule véritable détentrice du don extralucide, qui l’exploite avec altruisme et sincérité. Ensuite, André Korben (intense Emmanuel Salinger), producteur juif autant attiré par le don de Kate que par les défis cinématographiques, et qui se met en tête de faire converger les deux au sein d’un projet auquel personne ne croit. Enfin, Laura Barlow (Nathalie Portman, plus ténébreuse que d’ordinaire), qui gère le business familial de voyance avant de se retrouver propulsée dans une carrière d’actrice de cinéma. Une triple intrigue qui tend parfois à s’effilocher, mais qui parvient au final à vous emporter, tant petites et grandes histoires se télescopent avec dextérité.

Cela dit, ce n’est pas dans ce parti-pris kaléidoscopique, qui divisera certainement, que réside au final la principale qualité du film. La belle idée, en effet, tient à cette mise en abyme de l’art cinématographique qui y est faite, et de la vision de cet art, nostalgique et rebelle, qui nous est donnée. D’une part, à travers le personnage du producteur qui, malgré sa faillite, mise ses derniers espoirs dans un film anticonformiste au nom de sa volonté de moderniser le cinéma ; d’autre part, dans le récit même du tournage de ce film, porté par un réalisateur attachant (et incarné avec beaucoup de grâce par Pierre Salvadori). Une scène suffit à remporter le morceau : celle de son monologue sur le rôle du cinéaste, à un moment où le film qu’il réalise s’enlise et que tout semble perdu. Ses propos sont à vous faire chavirer, tant le message de passion et d’intégrité artistique qu’il contient résonne avec force.


CONTRE : Niveau -1 – Un film audacieux qui finit en patchwork indigeste


Le nouveau film de Rebecca Zlotowski, auteure du remarquable et sensoriel "Grand central", est tout le contraire d'un film sobre et centré sur un sujet unique. Le scénario, plutôt abscons, aborde à partir d'une histoire de deux sœurs médiums, des sujets aussi divers que la croyance aux fantômes, l'amour, le désir de réussite, la fascination pour l'image, sa vérité éventuelle, l'innovation dans le cinéma, et même la haine envers les juifs.

Malheureusement, même si l'ambition est grande, le scénario de "Planétarium" noie le spectateur dans un fatras de scènes où l'empathie pour une héroïne, qui s'annonce elle-même au début comme difficile à aimer, ne parvient jamais à faire surface. Il faut dire que le contraste entre les deux personnages est saisissant, Natalie Portman incarnant la grande sœur avide d'argent et de célébrité, plutôt antipathique, et Lily-Rose Depp évoquant une jeune fille lunaire, ployant sous la personnalité de sa sœur. On ne saurait d'ailleurs trop dire si elle joue réellement, tant elle semble par moment absente.

Évoquant l'après années folles, la puissance imaginaire du progrès technique, la mise en scène tente de tout embrasser sans parvenir à trouver un juste équilibre entre reconstitution d'une époque, envolées poétiques, et résonance appuyée entre cinéma et réalité. De réunions d'actionnaires houleuses en séances privées intimistes, de tentatives de figer sur pellicule une apparition en jalousies entre le sœurs, la sauce ne prend malheureusement jamais. Et l'ensemble en devient vite indigeste, malgré une direction artistique remarquable et le retour d'un Emmanuel Salinger ("La Sentinelle" d'Arnaud Desplechin) plutôt inspiré et convaincant.

Olivier Bachelard

16-11-2016

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