affiche film

© Les Films du Losange

PERSONAL SHOPPER


un film de Olivier Assayas

avec : Kristen Stewart, Lars Eidinger, Sigrid Bouaziz, Nora Von Waldstätten, Anders Danielsen Lie, Ty Olwin, Pascal Rambert, Audrey Bonnet...

Maureen est une jeune Américaine qui travaille à Paris. Elle est ce que l’on appelle une personal shopper, censée s’occuper de la garde-robe d’une célébrité. Mais ce travail – qu’elle n’aime pas – ne lui sert que de substitut financier. Si Maureen est en France, c’est parce qu’elle veut attendre une manifestation de l’esprit de Lewis, son frère jumeau récemment disparu. Un jour, elle reçoit d’étranges messages anonymes sur son téléphone portable. Quelqu’un la suit, visiblement de très près. Mais qui ?


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Photo film

POUR : +3 // Du visible à l’invisible

On l’avait pressenti en découvrant le film il y a deux ans : "Sils Maria" ne pouvait en aucun cas être la seule collaboration d’Olivier Assayas et de Kristen Stewart. On avait quitté la belle et jeune actrice américaine sur une prestation magnifique – par ailleurs auréolée d’un César bien mérité – sans pour autant croire qu’elle allait en rester là. D’une certaine façon, "Personal Shopper" semble jouer la correspondance intrinsèque avec le mystérieux final de "Sils Maria", qui la voyait – là encore dans un rôle d’assistante de star – se volatiliser sans explication au beau milieu des montagnes suisses. Ici, le métier est quasiment le même, à ceci près qu’elle gère moins la star elle-même que son dressing. Et surtout, la « volatilisée », ce n’est plus elle. La scène d’ouverture du film, sorte d’errance au cœur d’une bâtisse plongée dans l’obscurité, lève le voile sur l’enjeu de cette jeune héroïne (ici auto-définie comme médium) : attendre une manifestation de son frère jumeau, récemment décédé des suites d’une malformation du cœur. L’intrigue à proprement parler n’a pas encore démarré, mais à ce stade-là, le doute n’est plus permis : le nouveau film d’Olivier Assayas sera un film de fantômes.

Dans le registre – assez éculé il est vrai – de la ghost-story, on peut relever deux façons de faire : s’en donner à cœur joie dans le déchaînement numérique pour traduire de façon concrète la manifestation du fantôme, ou opter au contraire pour le non-dit, histoire de mieux jouer avec la suspension d’incrédulité du spectateur. Décidément imprévisible, Assayas choisit de mélanger les deux principes de mise en scène, tirant alternativement sur le visible et l’invisible pour mieux faire naître le trouble. Certes, "Personal Shopper" renoue aussi avec sa fascination directe pour les outils de l’hyper-modernité (une sous-intrigue consiste en une longue conversation par SMS interposés entre l’héroïne et un mystérieux inconnu), son érudition culturelle (on y cause autant d’art abstrait que de pouvoirs médiumniques) et ses méditations sur la transmission (ici d’outre-tombe). Mais tout ceci, synthétisant en quelque sorte tout ce qui forge le style Assayas, est au service d’une peinture directe de la solitude d’une femme à la dérive, hantée aussi bien par celui qui n’est plus là (un mort) que par celui qui semble la suivre (mystère…).

À quelques moments, Assayas trébuche par faute de goût : de même que l’on n’arrive toujours pas à digérer ce ridicule space-opera kitsch qui encombrait inutilement "Sils Maria", le voir demander à Benjamin Biolay de singer Victor Hugo dans un faux film d’archives est assez maladroit. On peut aussi considérer que le cinéaste avance sans trop savoir où aller, mais la singularité du film est à ce prix. De même qu’il offre à Kristen Stewart son plus beau rôle à ce jour, la fétichisant sous tous les angles – la voir essayer toutes sortes de robes et de sous-vêtements est un festival érotique – et transformant ainsi son film en une projection fantasmatique. La fiction dont elle est l’héroïne culminera même dans un dernier quart d’heure ahurissant : peu avant une ultime séquence cathartique où la croyance du spectateur sera mise à rude épreuve, impossible d’oublier cette courte suite de plans déserts où la caméra semble suivre à la lettre le déplacement d’une présence invisible. Hormis dans les expériences fantomatiques de Kiyoshi Kurosawa ("Kaïro" ou "Rétribution", pour ne citer que les meilleures), on n’avait pas vu de mémoire de cinéphile un tel absolu dans la mise en scène de l’indicible, une telle attention à essayer de capturer l’invisible. Rien que pour ça, le Prix de la mise en scène à Cannes – remporté à la surprise générale – n’était sans doute pas immérité.


CONTRE : -1 // Suspense au rabais


Après le formidable "Sils Maria", Olivier Assayas est revenu à Cannes en compétition en 2016. Mettant en scène cette fois-ci Kristen Stewart, non plus en second rôle mais en tête d’affiche, il nous propose avec "Personal Shopper" un portrait de jeune femme en deuil, attendant une manifestation du fantôme de son frère, disparu trois mois auparavant.

Si ce point de départ intrigue quelque peu, il n'en est pas de même du reste du film qui s'avère aussi déroutant qu'irritant. L'héroïne de la saga "Twilight" interprète une jeune Américaine, aux facultés de médium et chargée de toutes les tâches ingrates pour une star prénommée Kyra, histoire de gagner sa vie. Assayas suggère l'envie par les quelques rares transgressions auxquelles elle s'adonne ponctuellement (l'essai des chaussures par exemple...), faisant s'insinuer le doute dans l'esprit du spectateur.

Mais cette sorte de pseudo-thriller qui interroge du coup sur les perturbations mentales de son héroïne, se perd dans un scénario qui ne sait pas sur quel pied danser, mélangeant quête personnelle et enjeux criminels autour de la riche Kyra, personnalité à la fois aimée et insupportable. Ne réussissant pas à rendre le brouillage de pistes crédible, ni son mysticisme envoûtant, Olivier Assayas se perd en de vaines tentatives de création d'un artificiel suspense.

La laborieuse dynamisation d'envoi de textos par d'interminables plans sur des écrans de téléphones portables constitue le summum de l'ennui. Bien sûr, le jury du Festival de Cannes n'aura pas été du même avis, puisqu'il a décerné à Assayas le prix de la mise en scène (ex-aequo avec Cristian Mungiu pour "Baccalauréat"). Heureusement Kristen Stewart, au regard et à la voix magnétiques, sauve les meubles, irradiant la pellicule de sa beauté androgyne, sans cependant parvenir à émouvoir par la quête de son personnage.

Olivier Bachelard

05-08-2016

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