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Rome, 2006. La soudaine disparition du jeune Leonardo Zuliani, un activiste antisémite salué pour son courage et considéré comme un héros national, émeut l’Italie. L’occasion pour les médias de revenir sur son parcours et de faire la lumière sur son cheminement intérieur idéologique…
Présenté à la Mostra de Venise 2015, "Pecore in erba" (littéralement : « les moutons dans le pré ») est une satire de la société italienne sous forme de faux documentaire, centrée sur un thème on ne peut plus d’actualité : un jeune homme propre sur lui se voit gagné par des pulsions antisémites, qui l’amènent à se radicaliser en dépit de la mouvance jusqu’à devenir un leader charismatique adulé. Un sujet chaud, en résonance avec les phénomènes de radicalisation religieuse et les débats idéologiques du moment (bien que le film ait été réalisé avant la vague d’attentats en France), et qu’Alberto Caviglia, dont c’est le premier film, choisit d’aborder avec une certaine originalité.
D’abord le ton. Si la dénonciation de sujets touchy par le biais de l’humour n’est pas une nouveauté à la télévision, elle l’est davantage au cinéma. Il est plutôt rare, en effet, que les cinéastes mettent à ce point les pieds dans le plat et s’aventurent aussi allègrement sur le terrain miné de la satire politique et idéologique. Ensuite l’angle du sujet. Imaginez un mouton noir qui, du moment où il assume ses prises de position et brandit sa liberté de pensée et d’expression, devient l’ange lumineux. Cela ne vous rappelle pas une femme politique française montante, présidentiable de surcroît ? L’idée la plus audacieuse étant, au final, celle d’une société moutonnière qui, empêtrée dans ses contradictions, est prête à assumer sa xénophobie du moment qu’elle est prônée par un penseur libre, comme si le courage prévalait sur les idées.
S’il est intéressant sur le fond, le film échoue en revanche dans la forme, reposant sur un parti pris de mise en scène inspiré des codes du reportage TV. L’idée semble intéressante sur le papier, puisque le monde médiatique et sa capacité à produire du storytelling sont pointés. Mais le résultat est bien décevant : le parcours de Leonardo est montré sous forme de photographies à la mise en scène théâtrale, placées bout à bout et entrecoupées de témoignages vidéo de passants ou de membres de l’entourage du disparu. Une fausse bonne idée, qui se résume au final à un exercice de détournement, répétitif et sans prise de risques. On en vient à regretter que ce film d’1h30 n’ait pas plutôt été pensé comme un sketch de 10 minutes.
S’ajoute à cela un esprit « film fait avec les copains » qui aurait bien fonctionné à la télévision (il suffit de voir le succès du « Petit Journal » en France) mais qui, au cinéma, met beaucoup de spectateurs de côté : si vous n’êtes pas italien, voire romain, vous ne reconnaîtrez pas la moitié des personnalités faisant des apparitions en caméo, et ne rirez certainement pas face aux incursions des figures locales de Trastevere (un magicien indien, un illuminé du quartier…).
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