© Wild Side Films/Le Pacte
Ayant fui la justice américaine, Julian s’est exilé à Bangkok, en Thaïlande, où il tient un club de boxe avec son frère aîné Billy. Or celui-ci est assassiné après avoir sauvagement violé et tué une jeune prostituée. Débarquant des Etats-Unis pour identifier le corps, leur mère, folle de rage, exige de Julian qu’il venge son frère. Mais il faudra alors remonter à Chang, flic retraité aux méthodes pour le moins radicales…
N’attendez pas de Nicolas Winding Refn qu’il vous brosse dans le sens du poil. On pourrait même dire qu’il cherche un peu la bagarre, le bougre. Comment ose-t-il, deux ans après avoir fait l’unanimité auprès de la critique, du public et de la profession, balancer à la tronche des spectateurs ce négatif absolu de son précédent "Drive" ? Peut-être parce qu’il n’aime rien tant que d’aller là où lui seul le souhaite. Et sûrement parce qu’il préfère sonder les ténèbres de l’âme humaine que regarder la beauté d’une rédemption.
A bien y regarder, "Drive" était peut-être un accident de parcours dans la filmographie protéiforme et singulière de Refn : un scénario de série B, une esthétique sous influence, une star glamour, un genre codifié… Difficile de ne pas y voir une tentative de s’ouvrir au plus grand nombre, de s’imposer aux yeux de tous, l’ajout d’une histoire d’amour (une première pour le cinéaste) y étant pour beaucoup. Car si l’on retrouve tout ça dans "Only God Forgives", le résultat a beaucoup plus à voir avec le reste de son œuvre. Et c’est peu de le dire !
S’il incarne bien la figure de « héros » du film, le personnage campé par un monolithique Ryan Gosling n’est pas le centre tutélaire de ce "Only God Forgives" brut de décoffrage. Il faut plutôt chercher du côté de sa génitrice (incroyable Kristin Scott-Thomas, totalement déchaînée), objet cinématographique absolu (elle est le seul personnage à ne pas être caractérisé par sa seule fonction narrative) autour duquel gravite une horde de mâles assoiffés de violence. Des hommes dont les actes barbares (la scène de torture, digne des débordements gores de l’Âge d’or du cinéma de genre italien) et les relations conflictuelles renvoient aux personnages de "Bronson" ou de "Valhalla Rising", figures symboliques des précédents films de Nicolas Winding Refn.
Grossièrement illustré dans le film, le complexe œdipien qui sous-tend les personnages de Julian et de sa mère ne semble être là que pour donner du grain à moudre aux « analystes » du cinéma. Car à bien y réfléchir, "Only God Forgives" se regarde plus qu’il ne se comprend. Une sorte de trip violent et esthétisant, entièrement porté par l’envie constante qu’ont les protagonistes de se battre, de se venger ou de tuer, et qui culminera dans une scène de baston attendue... et complètement expédiée ! Comme si, en confrontant ses deux antagonistes, Refn ne pouvait se résoudre à un affrontement en bonne et due forme, préférant conclure son film de la manière la plus étrange qui soit. Parce que le titre l’indique bien : seul Dieu pardonne. L’Homme, lui, a depuis longtemps perdu cette faculté.
Alors certes, le film pourrait paraître trop lent, creux et prétentieux, tellement il ne cherche jamais à être confortable. Mais c’est là tout le sel du cinéma de Refn. Un cinéma de l’image, forcément jusqu’au-boutiste, et qui fait de la violence le moteur même de ses (maigres) intrigues. Du cinéma du ressenti, hermétique jusqu’à l’extrême. Il faut accepter d’y pénétrer, pour y déceler toute la beauté du noir.
CONTRE : Niveau -1 - Abyssale vacuité
Après avoir été adulé pour "Drive", lauréat deux ans plus tôt du prix de la mise en scène au festival de Cannes, Nicolas Winding Refn est revenu sur la Croisette avec un nouvel opus, attendu comme le messie. Ses atouts : la présence de l’homme du moment, Ryan Gosling, et la promesse d’un film à la fois violent et stylisé, qui marquerait une nouvelle progression dans la filmographie fascinante du réalisateur danois. Malheureusement le film déçoit, tant il illustre les limites du style refnien.
Assez proche de "Drive" dans sa facture formelle, "Only God Forgives" n’en a ni la puissance narrative, ni la charge émotionnelle. Accumulant les effets ampoulés de mise en scène (longs travellings asphyxiants, cadrages arty redondants) et reposant sur des personnages monolithiques (mention spéciale à Ryan Gosling), le film s’enlise dans une forme de léthargie esthétisante proche du vide. Les plans d’une impressionnante beauté se suivent et se ressemblent, ne constituant au final qu’une succession de tableaux un peu gratuits et dénués de valeur narrative. On n’évite ainsi pas les scènes inutiles étirées en longueur et passées au ralenti, habillage sonore vrombissant à l’appui, histoire de rendre follement sentencieux les faits les plus insignifiants.
Alors bien sûr, on ne peut reprocher à Refn de manquer d’ambition formelle. "Only God Forgives" est sans conteste un film d’ambiance, agrémenté de symboles œdipiens (dont une mémorable « ablation » du pouvoir de procréer) et empruntés à la culture japonaise (alors que nous sommes en Thaïlande, mais bon). Il est aussi porté par le culte de l’héroïsme, qui se traduit dans l’extrême violence qui ponctue le film (ici on tue au sabre, c’est plus classe) et dans l’énigmatisme des personnages : Julian le distant, Chang le samouraï sans foi ni loi, Crystal la mère vengeresse (Kristin Scott Thomas, étonnante de vulgarité). Mais en stylisant son film à l’extrême, Refn tue la tragédie grecque qui se noue et sombre dans une vanité qu’on ne lui connaissait pas, frisant par moments la caricature. Un film ovni, sans doute, mais que l’absence de propos et de richesses empêche d’ériger au rang des films rares. Espérons que tout cela ne soit qu’une mauvaise blague, et que l’intention initiale ne soit uniquement celle de provoquer.
23-05-2013
LA BANDE ANNONCE
Cinémas lyonnais
Cinémas du Rhône
Festivals lyonnais