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Paul, après deux années au front, aide un peu le destin en provoquant une blessure qui lui vaudra d’être accusé d’auto-mutilation et d’être emprisonné. Réussissant à déserter, il rejoint son épouse, Louise, couturière, qui l’aide à se travestir en femme. Dans le Paris des Années Folles, il devient Suzanne, personnage qui va l’envahir peu à peu…
André Téchiné est clairement l’un de nos cinéastes préférés à Abus de Ciné. Auteur élégant de "Les sœurs Brönte", "Rendez-vous", "Les voleurs", "Ma saison préférée", "Les roseaux sauvages"ou récemment "Quand on a 17 ans", il n’a d’habitude pas son pareil pour saisir la complexité des êtres et le passage du temps comme des saisons, telle l’été, qu’il rend lumineux et sensuel comme personne. Le Festival de Cannes lui a rendu hommage cette année, en invitant ses principales actrices (Binoche, Huppert, Deneuve…) et en présentant son dernier film, "Les années folles", co-écrit avec Cécile Sciamma. De quoi intriguer initialement puisque que l’histoire est adpatée d’un fait divers fascinant de l’entre-deux-guerres, révélé par les historiens Fabrice Virgili et Danièle Voldman dans le livre La Garçonne et l’Assassin (2011).
Faisant le choix de se concentrer sur l’histoire du couple, narrée en flash-back entre deux moments d’un spectacle reconstituant leur histoire, Téchiné se retrouve malheureusement piégé par la contradiction entre son désir d’éviter le film d’époque (et donc de lourdes reconstitutions), et la folie promise par le titre, qui ne prend jamais réellement corps, les scènes de cabaret suintant une triste nostalgie plus qu’elles n’expriment un élan. Incapable de retranscrire à l’écran le trouble profond envahissant un personnage travesti initialement par nécessité, usant d’ellipse qui rendent brutales certaines évolutions (la soudaine évolution vers le bois de Boulogne…), Téchiné peine à explorer le malaise créé par l’irruption du double (Suzanne) au milieu du couple Paul / Louise et de son projet d’enfant.
Esquissant quelques scènes perturbantes autour des réactions des spectateurs du cabaret où se rejoue cette histoire, condamnée par les uns, pardonnée par les autres, le film ne parvient pas à cerner ses propres personnages. Il faut dire que les deux interprètes principaux sont loin de déployer les trésors de charisme dont ils sont tous deux capables, minimisant ainsi toute possibilité d’empathie. Un récit qui finalement évacue bien vite le trouble, expédie les situations les plus dérangeantes, en usant d’ellipses souvent peu justifiables. Dommage.
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