affiche film

© Shellac

NORTE, LA FIN DE L’HISTOIRE

(Norte, Hangganan Ng Kasaysayan)


un film de Lav Diaz

avec : Sid Lucero, Archie Alemania, Angeli Bayani, Mailes Kanapi, Mae Paner, Soliman Cruz, Hazel Orencio, Ian Lomongo...

Un jour, Joaquin se retrouve injustement emprisonnĂ© pour meurtre. Tandis que le vĂ©ritable meurtrier – un jeune Ă©tudiant en droit – est toujours en libertĂ©, il finit peu Ă  peu par s’habituer Ă  la vie carcĂ©rale



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Photo film

Le dĂ©but d’une longue histoire

Du cĂŽtĂ© du cinĂ©ma philippin, on pensait notre champ d’analyse limitĂ© aux classiques de Lino Brocka, aux uppercuts secs de Brillante Mendoza ou aux sĂ©ries Z de Bobby A. Suarez. Il faudra maintenant y rajouter Lav Diaz, dont les films auront mis un sacrĂ© moment avant d’arriver en France. Seul le dernier de sa filmographie, "Norte", aura pu bĂ©nĂ©ficier d’une sortie en salle – les autres auront simplement connu une projection parisienne au Jeu de Paume durant le mois de novembre 2015. Cela Ă©tant dit, aller se farcir 250 minutes d’un film Ă  la fois ample et contemplatif n’aura rien d’une certaine forme d’auto-flagellation intellectuelle, le rĂ©sultat Ă©tant suffisamment ouvert et tournĂ© vers son public pour pousser ce dernier Ă  s’épanouir dedans.

Tout comme dans un certain cinĂ©ma soviĂ©tique – citons au hasard Tarkovski – oĂč la durĂ©e s’épuise plus qu’elle ne se ressent, c’est le rythme du montage qui contrĂŽle le temps et l’espace, qui le fluidifie comme pour mieux faire ressentir la fatalitĂ© du destin des personnages. Parce que la situation de dĂ©part est complexe : mĂ©content de voir son pays tournĂ© vers la mondialisation, un Ă©tudiant en droit exprime Ă  ses professeurs son dĂ©sir de rĂ©bellion impulsive. S’en suit un meurtre terrible qu’il commet froidement, mais qui ne lui sera pas imputĂ© : un jeune resquilleur – bien plus pauvre que lui – sera incarcĂ©rĂ© Ă  sa place pour ce meurtre. Deux parcours paradoxaux : un meurtrier en libertĂ© qui s’enferme dans une culpabilitĂ© maladive, un innocent en prison qui se libĂšre peu Ă  peu en accĂ©dant Ă  la saintetĂ©. Ajoutez Ă  cela un troisiĂšme personnage – la femme de l’innocent – qui se bat pour sa survie et pour celle de ses enfants, et tout semble rĂ©uni pour un pur mĂ©lodrame Ă  teneur romanesque.

La force du film ne rĂ©side pas tant dans son domaine politique – mĂȘme s’il se rĂ©vĂšle bondĂ© de dĂ©tails qui vont dans ce sens – que dans la disposition scĂ©nique des personnages dans le cadre et l’agencement des plans dans le montage. Il faut bien s’en rendre compte : ici, le film est aussi long que les plans durent longtemps. Mais point d’artifice scĂ©naristique lĂ -dedans : Lav Diaz Ă©tire la durĂ©e non pas pour enjoliver ses dĂ©cors et ses cadres (et pourtant, c’est peu dire que le film contient Ă©normĂ©ment de beaux plans !), et encore moins pour dĂ©guiser une Ă©ventuelle vacuitĂ© narrative, mais au contraire pour demeurer proche de ceux qu’il filme, pour les accompagner, pour les apaiser si besoin est. Sa camĂ©ra bienveillante les suit jusqu’au bout, avec douceur et sans sĂšcheresse mal placĂ©e, mĂȘme lorsque les pires choses de la vie leur tombent dessus. On embrasse sans problĂšme ce mouvement au cours de ces passionnantes quatre heures de pellicule.

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