© Warner Bros. France
Yannis, 14 ans et orphelin de mère, vit avec son pêcheur de père, Démosthène, sur une petite île des Cyclades. Alors qu'il va sur le continent pour quelque sombre affaire à bord d'un navire, il échange son pendentif, une croix héritée de sa mère, contre un jeune oisillon mal en point. Cet oisillon s'avère être un pélican blanc, et il va vite grandir. Difficile alors pour Yannis de cacher ce secret...
Autant le dire tout de suite sans détour : la première partie de « Nicostratos... » est tout bonnement pénible ! Pendant une bonne demi-heure, le film accumule les clichés et les lourdeurs, devenant alors aussi maladroit qu'un jeune oiseau qui apprend à voler (coïncidence heureuse, pourrait-on dire, à tel point qu'on se demande ensuite si ce n'est pas un choix délibéré et symbolique de réalisation). Dès les premières scènes, il est tout d'abord difficile de supporter l'affreux doublage français des personnages. Certes, on est devant un film qui s'adresse avant tout aux enfants (quoique, on verra plus loin...) et il n'était sans doute pas envisageable de nous proposer du grec sous-titré. Bien sûr il y a aussi le problème d'avoir choisi des comédiens non grecs pour les rôles principaux. Mais quand même, cela reste frustrant et on aurait mérité une post-production sonore de meilleure qualité.
Passée cette première déception, il faut aussi constater les lourdeurs d'un scénario qui avance avec ses gros sabots et collectionne les gaucheries : une narration non pertinente d'une version adulte de Yannis (choix qui ne sera guère justifié par la suite), un comportement difficilement crédible du personnage (cette volonté de récupérer un oiseau à moitié mort contre un objet de haute valeur sentimentale, ça ne fonctionne décidément pas), des personnages secondaires à la facétie un peu trop criante (François-Xavier Demaison en tête) ou encore les innombrables ingrédients stéréotypés du « film pour enfants avec animaux » qui donnent l'impression de voir un énième clone d'un film qu'on a déjà vu.
Heureusement, Olivier Horlaix a la bonne idée de trouver plus d'inspiration pour la suite du film ! Ce n'est pas tant l'arrivée du pélican qui va bouleverser la vie de Yannis (et le film), que celle de la belle et jeune Angeliki. Lors de sa première apparition, on tique quand même un peu sur son apparence un peu trop aguicheuse à base de courts shorts et de décolletés débordants – et on redoute un énième stéréotype, celui du coup de foudre adolescent digne des plus gros nanars hollywoodiens. Pourtant, c'est bien ce personnage qui va apporter à la fois fraîcheur, tendresse, spontanéité et originalité à cette histoire. En parallèle, de façon progressive, le pélican s'efface au profit de l'histoire des humains et on se dit qu'on s'est bien fait avoir par la première partie ! En fait le pélican n'était peut-être qu'un prétexte (ou un outil scénaristique) pour parler des hommes. À moins qu'Olivier Horlaix n'ait tenté (et ce n'est pas facile) de toucher à la fois les enfants et les adultes en donnant une double épaisseur à son film. Certes, le titre se focalise sur le pélican et tout semble, a priori, tourner autour de ce personnage animal. Mais il n'est pas pour autant le personnage-phare du film. D'ailleurs, même si les huit pélicans du Parc des oiseaux de Villars-les-Dombes font très bien leur boulot, la petite chèvre espiègle leur pique presque la vedette côté zoologique !
Mais revenons aux humains. Angeliki donc, interprétée par l'excellente et pétillante Jade-Rose Parker (déjà aperçue dans « LOL » en 2008), permet à Yannis et à l'histoire de prendre un autre tournant. Se développe entre eux une relation de complicité, oscillant entre amitié et amour, que le réalisateur traite de façon tendre et avec une fluidité presque pudique qui fait de ce film (et c'est plutôt inattendu) une des meilleures représentations cinématographiques de l'amour adolescent, digne de « Fucking Amal » pour ne citer qu'une référence. En parallèle, Horlaix exploite mieux celui qui semblait être a priori la tête d'affiche du film (même si son nom n'est pas mis en avant sur l'affiche) : Emir Kusturica. Le cinéaste, acteur à ses heures perdues, construit progressivement son personnage de père torturé, rustre dans l'attitude mais au fond si doux et généreux. Se tisse alors un touchant lien père-fils (présent dès le début, en fait, mais passé inaperçu dans la première partie) dans lequel Kusturica parvient à insuffler une douce et folle poésie.
Au final, l'oiseau comme le film retombent sur leurs pattes et les personnages en ressortent grandis. La Grèce aussi, d'ailleurs, se voit attribuer une image joyeuse et positive qui est la bienvenue en ces temps de crise (le tournage avait d'ailleurs été perturbé par les grèves de l'été 2010). Comme si le douloureux accouchement artistique de ce film un peu bancal nous disait, dans un happy-end prévisible mais sympathique, que les obstacles n'empêchent pas un envol ultérieur. Souhaitons aussi qu'Olivier Horlaix prenne par la suite un envol cinématographique un peu plus assuré.
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