Célibataire et sans emploi, Hee-soo revient vers son ex-petit ami Byoung-woon pour lui réclamer l’argent qu’il lui doit depuis un an. Or celui-ci est aussi fauché. Incapable de la rembourser sur le champs, et devant l’insistance de la jeune femme, il décide d’aller voir plusieurs de ses amies dans l’espoir de leur emprunter de l’argent. Exaspérée, Hee-soo est contrainte de l’accompagner dans cette expédition. Les deux anciens amants vont alors devoir passer la journée ensemble, et peut-être même apprendre à mieux se connaître...
Dès les premières minutes, on comprend que ce film va nous mener en bateau. Comme pour induire le spectateur en erreur, la caméra suit successivement plusieurs personnages qui se croisent physiquement sans que rien ne les lie : une femme marchant de dos, puis un couple arrivant dans une salle de jeu, des ouvriers en file indienne, et enfin une jeune femme qui gravit les escaliers, celle justement autour de laquelle le film va s’arrêter...
On ne peut alors s’empêcher de penser à la trilogie de Lucas Belvaux (« Un couple épatant », « Après la vie » et « Cavale »), qui développa en 2003 le concept du personnage tantôt central, tantôt secondaire voire décoratif, selon le point de vue duquel on se place. « My dear enemy » n’y fait qu’une brève allusion, puisque l’histoire prend rapidement un cours normal centré sur ses deux personnages principaux. Néanmoins ce message refait surface à plusieurs moments du film, à travers une idée simple mais vraie : il est parfois nécessaire de regarder les choses de près pour se rendre compte qu’elles existent.
Aussi, c’est en passant une journée entière avec son ancien amant que la jeune femme, pourtant murée dans les préjugés et la colère (colère qui, soit dit en passant, ne sera jamais expliquée), va découvrir qui est vraiment l’homme qui a jadis partagé sa vie. Et c’est avec beaucoup de finesse que Lee Yon-ki, qui n’en est certes pas à son premier film sur les rapports hommes-femmes, parvient à retranscrire cette lente progression tout en douceur, sans changer son point de vue narratif (la femme) ni le comportement du personnage masculin, qui constitue pourtant la source de la discorde. Au contraire, le film montre que ce ne sont pas les gens qui changent mais les circonstances qui les révèlent, et les multiples “rendez-vous” incongrus auxquels se rendent les deux jeunes gens sont autant de ressorts scénaristiques efficaces qui permettent de lever les idées reçues sur chacun.
« My dear enemy » séduit donc par la simplicité avec laquelle il nous met devant les faits accomplis et nous confronte à nos préjugés. C’est drôle, surprenant et humain. C’est aussi l’occasion de confirmer une nouvelle vague de jeunes acteurs prometteurs, troublants de vérité. Le jeune Ha Jung-woo, qui n’en est pas à son premier film exporté en Europe (« Time » de Kim Ki-Duk ou « The Chaser » de Na Hon-jin, où le serial killer c’est lui) crève littéralement l’écran, avec une interprétation très libre de son personnage, à la fois désinvolte et généreux, tel un Louis Garrel qu’on découvrait plein de naturel et de charme dans le film de Christophe Honoré « Dans Paris ». C’est ce charme et cette détermination dans l’acte de « vivre » que l’on retrouve jusqu’au bout du film qui, mine de rie, invite humblement à reconsidérer certaines priorités de la vie.
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