© Diaphana Distribution
Joseph Mallord William Turner revient d’Europe avec un sacré mal de dos mais surtout avec des images de lever et de coucher de soleil absolument magnifiques. Célèbre peintre en Angleterre, il puise son inspiration sur ses terres et au-delà pour offrir des toiles d’une grande beauté. Mais l’homme, qui vit avec son père et une gouvernante, n’est toujours pas marié. Et s’il rencontrait l’amour durant ses échappées ?
En compétition au Festival de Cannes 2014, "Mr. Turner" est le 13e film de Mike Leigh, réalisateur anglais déjà récompensé sur la croisette en 1993 avec le prix de la mise en scène pour "Naked" et la Palme d’Or en 1996 pour son émouvant "Secrets et mensonges". Mike Leigh abandonne ici les petites gens et les milieux sociaux défavorisés qui ont fait ses plus grands succès (on pense aussi à "Another Year" et "All or Nothing") pour dresser le portrait d’un des plus célèbres peintres britanniques : William Turner.
Le film nous baigne dès la première image dans une sublime lumière de fin de journée aux Pays-Bas créant un magnifique tableau digne des plus belles toiles du maître. Turner, en effet, a été surnommé le « Peintre de la lumière » par ses pairs. Et Leigh se devait de retranscrire cette aura dans son film. Les fréquents plans larges qui nous donnent à voir des paysages, tous plus beaux les uns que les autres, sont ainsi comme des tableaux exposés dans une galerie. Merveilleux. Et sans trop bénéficier de la palette graphique, ils se révèlent d’une grande authenticité.
Écrite par Mike Leigh, l’histoire retrace ses différents voyages pour aller « voir » ce qu’il y a de plus beau à peindre et parfois « ressentir » ce qu’il pose sur ses toiles notamment dans cette scène où on voit l’artiste s’encorder à un mât de bateau pour admirer et goûter une tempête en pleine mer ! Ses peintures sont vendues dans son salon privé et exposées à la Royal Academy, sorte de corne d’abondance de ce qui se fait de mieux sur le marché de l’art. Un lieu de convoitise et de compétition où on aura droit à une des meilleures scènes du film quand l’artiste – un génie, il n’y a plus de doute ! – barbouillera d’une tache de peinture rouge une de ses toiles en apparence finie.
La période à laquelle appartient Turner est intéressante sur le plan de l’art, car elle est bousculée par une invention d’un nouveau genre : la photographie qui fait son apparition au début du 19e siècle. Il fait sa découverte dans une scène hautement ironique, puisqu’il se fait prendre en photo par ce qui bouleversera le monde de la peinture. Alors en noir et blanc, Turner se félicite que les images produites ne soient pas en couleurs ajoutant « qu’il en reste ainsi le plus longtemps possible » !
Turner est un homme complexe dans sa relation avec les autres. Proche de son père, celui-ci habitera longtemps dans la même demeure que lui et deviendra son assistant jusqu’à son dernier souffle. Pour les femmes, il éprouve une attirance/répulsion intéressante, notamment vis-à-vis de sa gouvernante qui s’est amourachée de lui, mais qui est juste bonne à le soulager de pulsions sexuelles passagères. Et avec sa première compagne, avec qui il ne s’est pas marié, il entretient des rapports conflictuels d’autant qu’il ne prend guère le temps de voir les deux filles qu’elle lui a données ! Il trouvera davantage d’amour et de complicité avec une veuve qu'il rencontrera lors d'un voyage et avec qui il emménagera près de la Tamise à la fin de sa vie.
Alors certes, on ôterait bien 20 minutes au film qui, par certains moments, tire un peu en longueur mais en même temps il est d’une grande cohérence et permet à Timothy Spall d’étaler tout son talent dans un rôle qu’il habite à la perfection. Celui qui est plus connu pour ses seconds rôles – et notamment celui de Peter Pettigrow dans la saga d’Harry Potter – excelle ici dans la peau du peintre. Il grogne constamment comme un ours, crache sur ses toiles comme un malappris, ne mâche pas ses mots et marche lourdement à la manière d’un plantigrade. Le rôle de sa vie !
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