Étrangement captivant

L'exposition proposée en 2010 par Marina Abramovic est surtout un prétexte pour évoquer la riche carrière de l'artiste d'origine Yougoslave. Faisant peu de part à ses détracteurs, le documentaire s'intéresse à l'aide de nombreuses images d'archives et de rares interviews, à son parcours, posant la relation de cette nouvelle œuvre, avec les nombreux nus ou expositions de chaire vivante qui ont fait sa célébrité. D'un homme dans le plus simple appareil, allongé sous un squelette, comme dormant avec la maladie ou la mort, à des crucifixions fictives le long d'un mur, on découvre avec curiosité ces installations minimalistes qui mettent le corps au centre de l'action. Ainsi, le passage obligé des visiteurs entre deux corps nus, pour aller d'une pièce à une autre n'est pas sans créer une interaction sensorielle obligée, une gêne réciproque qui fait nécessairement ressortir du sentiment.

La rencontre décisive, en 1975, de Marina avec celui qui partagea sa vie pendant près de 12 ans, l'artiste relevant de la même démarche, Ulay, généra certainement les œuvres les plus intéressantes, les performances les plus politiques. Citons par exemple celui où un homme et une femme nus, dans toute leur fragilité, entrent en collision de manière récurrente, en courant l'un vers l'autre. Quelques rares explications viennent nous éclairer sur la signification politique des œuvres ou de ses pièces de théâtre, comme dans ce cas la critique de la domination de l'homme sur la femme. Mais c'est finalement cette expo la plus récente, qui donne son titre au film, et a réuni plus de 750 000 visiteurs, spectateurs ou acteurs de l’œuvre qui captive le plus. Parmi ces derniers, les quelques uns munis d'un numéro, ont en effet pu s'assoir pendant un quart d'heure face à l'artiste... pour un échange de regards, minimalistes, qui déclencha une multitudes de réactions humaines. Une parenthèse démultipliée au cours du film, un instant pour prendre le temps de se regarder en face, exprimant un étrange besoin de partager ou de communiquer, voire un manque ou une détresse très émouvants. « The artist is present » nous révèle ainsi un univers entier, dans ses grandes lignes, pour mieux donner envie de découvrir une artiste hors normes.