© DistriB Films
Pietro a quitté sa Sicile natale pour s’installer à Rome, où il espère percer comme acteur. Il travaille de nuit comme assistant boulanger et écluse de jour les auditions, sans grand succès. Espérant vivre avec l’élu de son cœur, il quitte la cousine qui l’héberge pour s’installer dans une veille demeure de Monteverde, quartier huppé et verdoyant. Mais très vite, il se rend compte qu’il n’est pas tout seul : la maison est hantée par une troupe d’acteurs tout droits sortis des années 1940…
Depuis le succès de "Tableau de famille", qui grava le nom de Özpetek dans le rang des valeurs sûres du cinéma italien contemporain, le cinéaste italo-turc a été capable du bon ("Le premier qui l’a dit") comme du moins bon ("Saturno contro"). Abordant de façon récurrente des thèmes comme la famille, l’amitié, la mémoire et la normalisation de l’homosexualité, rappelant par moments le cinéma de Pedro Almodovar, il a néanmoins su imposer son style et créer un univers bien à lui, marqué par son amour pour les quartiers populaires de Rome et par sa fidélité envers certains de ses acteurs (la Turque Serra Yilmaz et l’Italienne Margherita Buy, pour ne citer qu’elles).
Pour son 9e film, il reste fidèle à ses sujets de prédilection mais place la barre un peu plus haut : non seulement il s’aventure dans un nouveau genre, à savoir le fantastique burlesque, mais il élargit son champ de vision en emboîtant plusieurs temporalités de récit. L’un se déroule en effet pendant la 2e Guerre mondiale, aux heures de gloire de la compagnie théâtrale (fictive) Apollonio, tandis que l’autre a lieu à notre époque, autour d’un jeune homme qui passe ses journées seul, chez lui, à collectionner des images Panini. Un parti-pris un peu gonflé, étant donnée la dimension touchy du sujet historique relaté, et qui peine à trouver une vraie raison d’être dans le film.
En revanche, le premier tiers du film qui décrit la mise en place de la cohabitation entre Pietro et ses « colocataires » est une réussite, tant on sent le plaisir qu’a le réalisateur à installer son sujet en abusant des codes du thriller (claquements de talon dans la nuit, ombre furtive, trace d’une tête enfoncée dans l’oreiller…), et à exploiter pleinement le potentiel comique d’Elio Germano. Le jeune acteur, après s’être révélé au public français dans des rôles plutôt dramatiques (il fut auréolé en 2010 du prix d’interprétation masculine au festival de Cannes pour "La Nostra Vita" de Daniele Luchetti, qui fait d’ailleurs une apparition en caméo), prouve ici qu’il excelle dans le registre de la comédie. Il faut reconnaître que son débit verbal et son bagou romain, qu’il peine à masquer derrière quelques expressions siciliennes, y sont pour beaucoup dans la fraîcheur du film.
De ce concept filmique vieux comme le monde (un homme parmi les fantômes) nait une foultitude de récits parallèles, tous plus ou moins divertissants : celui d’une cohabitation pas banale, d’abord envahissante puis plaisante (on retrouve d’ailleurs le thème de la famille, celle que l’on choisit, cher à Özpetek) ; celui des déboires d’un apprenti comédien qui, à force de désespoir, consent finalement à appliquer les conseils un tantinet désuets de ses colocataires fantômes (donnant lieu à une scène de casting assez drôle) ; celui d’une enquête sur la disparition des membres de la troupe et notamment la recherche d’une certaine Livia Morosini, ancienne danseuse ayant miraculeusement échappé au drame… Cette dernière intrigue est de toute évidence la moins réussie : trop ambitieuse d’un point de vue historique, elle est décrédibilisée par le traitement narratif quelque peu artificiel qui en est fait. Le dénouement autour de la fameuse Livia Morosini, notamment, ne fait pas dans la dentelle.
Heureusement, le film remporte le morceau par sa générosité et son charme, indéniables. Bien que peu adroit lorsqu’il s’agit de tracer les contours d’une grande Histoire sérieuse autour de la petite histoire rigolote, Özpetek parvient à nous faire aimer ses personnages, même les plus secondaires. Il témoigne aussi d’une imagination toujours très fertile, notamment lorsqu’il s’agit de dépeindre des milieux marginaux (cf. l’incursion de Pietro dans l’atelier d’Abesse, gourou obèse qui règne en maître sur une colonie de couturières transsexuelles) ou de créer des romances abracadabresques. On passe donc finalement un bon moment, face à un film un peu foutraque mais faisant preuve d’un bel enthousiasme.
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