affiche film

© Wild Bunch Distribution

LOVE AND BRUISES

(Bitch)


un film de Lou Ye

avec : Tahar Rahim, Corinne Yam, Jalil Lespert…

Hua, une jeune chinoise venue à Paris pour ses études et pour retrouver un petit ami français qu’elle avait rencontré à Pékin, apprend que celui-ci ne l’aime subitement plus et qu’il souhaite mettre fin à leur relation. Effondrée, elle erre dans les rues de Paris où un monteur de marché la heurte accidentellement à la tête. Après lui être venu en aide, le jeune homme insiste pour l’inviter à déjeuner…


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Photo film

POUR : Niveau +2 - Un amour acculturé

Caméra au poing, suivant constamment les visages de ses protagonistes, le réalisateur chinois adopte une mise en scène particulièrement naturaliste qui n’est pas sans rappeler la patte des frères Dardenne. Coller au plus près des corps qui s’embrasent d'un désir charnel, telle semble être la volonté de Lou Ye. « Love and Bruises » est comme son titre peut le laisser deviner, l’histoire d’un amour si passionnel et d’un désir tellement irrépressible qu’il en consume à petit feu ses deux amants. Tous deux de cultures, d’éducations et de nationalités différentes, les deux protagonistes vont se rendre compte que le désir ne suffit pas pour construire une relation lorsque l’on émane de milieux si opposés.

« Love and Bruises » reprend quelque peu les mêmes piliers qu’« Une jeunesse chinoise ». On y retrouve cet érotisme ardent (le film est d’ailleurs une nouvelle fois censuré en Chine), l’environnement universitaire et une évocation de la pseudo-libération de la femme dans les pays occidentaux. La rencontre entre Hua et Mathieu en est un bon exemple : après l’avoir invité dans une brasserie, le jeune ouvrier tente son coup. Hua lui résistant, il insiste en arguant qu’il lui a payé le restaurant, pour finir par violer la jeune chinoise. Sorte d’«Ocean flame » à Paris, c’est sur cette touche « romantique » que leur tumultueuse histoire d’amour débute. Hua prend des cours sur l’émancipation de la femme mais accepte que Mathieu et ses collègues la traitent de salope.

Tiré du roman autobiographique de Jie Liufalin sobrement intitulé « Bitch », « Love and Bruises » retrace avec une certaine empathie cette relation, mêlant sensation de solitude et sentiments contradictoires. Les oppositions culturelles détectables dans les réactions imprévisibles de la jeune chinoise peuvent paraître difficilement compréhensibles si elles sont uniquement évaluées d’un point de vue occidental. Face à une véhémence européenne et même latine, Hua choisit de rester silencieuse, le regard à terre. L’impression qu’elle se laisse dominer par son amant virevolte peu à peu face aux réactions incontrôlées et désespérées de Mathieu. Le rapport de force s’inverse petit à petit. À force de déceptions, la jeune femme prend du recul.

Tahar Rahim (« Un Prophète ») et Corinne Yam, tous deux jeunes acteurs, parviennent à exprimer cette douloureuse et tumultueuse romance jusqu’à ce que la séquence des retrouvailles à Auchel ait lieu, alors que celle-ci n’était clairement pas nécessaire. Visiblement, Lou Ye ne sait comment terminer son film et finit par l’embourber dans de mauvais flous et ralentis post-production qui alourdissent un dénouement pourtant limpide.


CONTRE : Niveau -1 - Tahar Rahim, pépite de cette poussive histoire


Lou Ye avait fait les beaux jours de Cannes il y a quelques années avec « Nuits d'ivresse printanières », film gay tourné sous le manteau, alors récompensé pour son courageux scénario, narguant une Chine sociologiquement figée. Le voici qui nous propose son nouveau film, tournéen France, loin des compétitions cannoise ou même vénitienne, relégué en ouverture des Venice days (le journées des auteurs), section parallèle de la Mostra. Cette histoire, filmée dans les rues parisiennes, est adapté du roman « Bitch » (salope) renommée « Love and bruises » (de l'amour et des bleus) pour mieux signifier que sa version ne sera pas uniquement centrée sur le personnage de la fille.

Cette histoire de passion amoureuse entre une étudiante chinoise et un jeune monteur de structures sur les marchés des boulevards, ne convainc malheureusement pas un seul instant. Après une scène de séparation plutôt réussie, le réalisateur capturant l'essence de la détresse de son héroïne, lui collant au corps, caméra à l'épaule. De cette errance déboussolée dans les rues de Paris, le récit va vite s'enliser, tout comme la mise en scène, dans la peinture d'une relation impossible entre une intellectuelle cultivée et un manuel au charme brut, dont la jalousie maladive est amenée à tout détruire. Incapable de lâcher sa caméra à l'épaule, Lou Ye cessera d'observer ses deux jeunes chiots qui s'agressent réciproquement, tenant à distance un spectateur qui souffrira bien peu pour eux.

Partant d'un viol, le réalisateur nous impose également de récurrentes scènes de sexe, plus cliniques que charnelles, qui hormis les bruyants orgasmes répétés de la fille, ne nous montrent aucun signe de plaisir partagé. L'amour disparaît, le sexe devenant tentative de soulagement, ou simple moment d'oubli de soi. Le fossé entre les deux jeunes gens est grossièrement dépeint, notamment lors d'une poussive scène de repas, tandis que le portrait de la jeune fille reste à l'état d'ébauche, celle-ci apparaissant au final comme plus opportuniste que réfléchie.

Reste la prestation de Tahar Rahim, dont le personnage, au charme rustre et à la spontanéité désarmante, ferait malheureusement presque sourire à force de naïveté adolescente. Il accumule en effet les dialogues les plus clichés, du type « tu trouveras jamais quelqu'un qui t'aime comme moi », « je pourrai plus jamais aimer » ou « toutes me traitent comme une merde ». Si bien entendu de jeunes inexpérimentés, ayant une vision absolue de la vie à deux, existent, ils n'ont pas tous heureusement une tendance à accueillir la première immigrée qui passe (voire le flash-back risible révélant son passé avec une jeune black). En sortant du film, on a juste envie de serrer quelqu'un dans ses bras, en se disant que non, tous les viols ne se terminent pas en étreinte.

Olivier Bachelard

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