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Kai est un garçon qui vit dans un village de pĂȘcheurs isolĂ©. Un jour, il rencontre Lou, une sirĂšne qui aime chanter et danser, avec qui il se lie d'amitiĂ©. Mais les habitants de la ville ont toujours pensĂ© que les sirĂšnes provoquaient des catastrophes. Il se passe quelque chose qui creusera un Ă©norme fossĂ© entre Lou et les villageois, mettant en danger la villeâŠ
MĂȘme sâil nâĂ©tait pas le film le plus « sĂ©rieux » de la compĂ©tition du festival dâAnnecy 2017, mĂȘme sâil avait face Ă lui une sacrĂ©e concurrence au vu des uppercuts signĂ©s Naoko Yamada ou Sunao Katabuchi, on avait bien senti que le nouveau long-mĂ©trage de Masaaki Yuasa avait tout pour accĂ©der au Cristal du meilleur film dâanimation, alias la rĂ©compense suprĂȘme du festival dâAnnecy. Ce qui fut bel et bien le cas, en fin de compte. Mais comment pouvait-il en ĂȘtre autrement ? Face Ă des films dâune folle beautĂ© cĂ©lĂ©brant autant le pouvoir de lâamour ("Big Fish & Begonia"), la fragilitĂ© des sentiments ("A Silent Voice") ou la dignitĂ© du collectif dans une nation emportĂ©e dans le conflit ("Dans un recoin de ce monde"), le fait de se retrouver face Ă un tel Ă©lixir de joie, de musique et dâhumour avait tout pour redonner Ă lâanimation des vertus euphoriques quâon aurait souvent tendance Ă minimiser. Et pourtant, dĂšs les premiĂšres scĂšnes, lâaffaire est dans le sac : Masaaki Yuasa est bel et bien de retour, avec la ferme intention de nous mettre Ă nouveau la tĂȘte Ă lâenvers et les sens en Ă©veil.
Ceux qui ont eu la chance de voir "Mind Game" lors de sa sortie tardive en France en 2009 (soit cinq ans aprĂšs sa sortie confidentielle au Japon) nâont sans doute jamais oubliĂ© le choc de la dĂ©couverte. On y dĂ©couvrait quelque chose de jamais vu : un ovni hallucinant, hallucinĂ© et hallucinatoire, sorte de mash-up gĂ©nial de multiples techniques dâanimation Ă des fins sensorielles, doublĂ© dâune exploration dĂ©sinhibĂ©e de la jouissance surchargĂ©e dâidĂ©es narratives toutes plus frappadingues les unes que les autres. Chez un artiste comme Yuasa, lâanimation est une matiĂšre qui ne se veut pas « parfaite », mais constamment en mouvement, accĂ©lĂ©rĂ©e ou dĂ©cĂ©lĂ©rĂ©e en fonction du contexte. Si lâon en juge par son pitch (une jeune sirĂšne trĂšs stimulĂ©e par la musique dĂ©glingue le quotidien relativement pĂ©pĂšre dâune petite ville portuaire du Japon), "Lou et lâĂźle aux sirĂšnes" transcende un canevas trĂšs proche de celui de "Ponyo sur la falaise" en y incluant un goĂ»t Ă©vident pour la confrontation des contraires (terre/mer, ralenti/vitesse, musique/silence), Ă la maniĂšre de deux silex qui feraient de jolies Ă©tincelles musicales lorsquâon les frotte. Et quand câest la musique qui guide tout, Yuasa reste fidĂšle Ă une idĂ©e trĂšs simple : bouger dans tous les sens sous couvert dâune euphorie contagieuse. Les personnages le font, le public aussi, alors pourquoi pas le film lui-mĂȘme ?
EntiĂšrement crĂ©Ă©e en Flash (et câest juste fou !), lâanimation de Yuasa sâamuse donc Ă abolir les lois de la physique et Ă distordre les perspectives dĂšs que le dĂ©coupage bascule dans un registre musical. DĂšs lors, les Ă©motions des personnages sont intensifiĂ©es par le morphing de leur corps (on vous avertit, ça frise le trip sous LSD), les rĂšgles cartĂ©siennes partent en sucette (lâeau et la terre gigotent alors dans une dĂ©licieuse apesanteur) et lâesthĂ©tisme du dessin gagne en folie Ă chaque nouvelle scĂšne (mĂȘme si ça nâatteint Ă©videmment pas le taux de dinguerie de "Mind Game"). On aura beau considĂ©rer que Yuasa sâest fait un peu plus grand public avec ce second long-mĂ©trage (ce quâil assume fiĂšrement, par ailleurs), on sent surtout quâen gagnant en accessibilitĂ©, ses expĂ©riences animĂ©es auront Ă loisir de toucher le cĆur de toutes les gĂ©nĂ©rations. "Lou et lâĂźle aux sirĂšnes" dĂ©balle donc une dynamique comique et musicale qui donne surtout envie dâexploser de joie, mĂȘme sâil est probable que chaque spectateur, en fonction de son Ăąge et de son vĂ©cu, piochera ce quâil souhaitera dans ce rĂ©cit plus riche quâil nâen a lâair. Quâimporte le constat final, pourvu quâon ait lâivresse. Et celle-ci, autant dire quâelle est particuliĂšrement violente.
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