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© SND

LOOPER


un film de Rian Johnson

avec : Bruce Willis, Joseph Gordon-Levitt, Emily Blunt, Paul Dano, Piper Perabo, Jeff Daniels, Pierce Gagnon, Xu Qing…

Dans le futur, le voyage dans le temps sera possible. Bien qu’interdit, la mafia l’utilisera pour éliminer des témoins gênants. Elle expédie ainsi dans le passé ces personnes, à un endroit et un temps donné, un drap blanc sur le visage (pour dépersonnaliser le meurtre) et les loopers ont le devoir de les exécuter. Jusqu’au jour où Joe, un looper sans état d’âme, se retrouve face à lui-même (c'est à dire à son double en plus vieux) qu’il devra éliminer...


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Gestion des paradoxes loupée

Écrire un film explorant les voyages dans le temps est toujours très compliqué. Ceci nécessite une minutie et plusieurs relectures afin de s’assurer de la cohérence de l’ensemble par rapport aux contraintes temporelles que l’on développe. Il existe trois principales manières d’aborder les conséquences des voyages temporels. La première consiste à établir que chaque changement effectué dans le passé inflige directement une conséquence sur le futur. C’est celle qui a été choisie pour les fameux « Retour vers le futur » ou encore l’ « Effet papillon », pour ne citer que ces films. La deuxième, moins répandue mais beaucoup plus plausible, consiste à considérer que le temps est une éternelle boucle qu’on ne peut modifier et que tout ce qui se passe dans le futur, n’est que finalement le résultat de ce que l’on a tenté de changer dans le passé. C’est, par exemple, la théorie du brillant « L’Armée des 12 singes » de Terry Gilliam ou des formidables « Terminators » de Cameron. Enfin, une troisième interprétation existe. Il s’agit de celle développée dans la série « Sliders : Mondes Parallèles » qui considère qu’il existe autant d’espace-temps qu’il y a de futurs possibles, générant ainsi moult uchronies toutes indépendantes les unes des autres, en termes de conséquences. Le gros problème de « Looper » est de naviguer à vue entre les deux premières théories au gré de ce qu’il convient au scénariste. Une contrainte ou un paradoxe temporel n’en n’est plus un à partir du moment où Rian Johnson en a décidé ainsi.

Avant tout, le postulat de départ de « Looper » est, d’emblée, assez improbable : dans un futur plus ou moins proche, un moyen pour remonter le temps aurait été découvert mais aussitôt rendu illégal. Et comme les mafias sont expertes en matière d’illégalité, elles sont les seules à s’en servir. Non pas pour changer le futur, pour par exemple, s’enrichir en s’envoyant quelques lingots dans le passé ou liquider un rival alors qu’il n’est qu’un malheureux bambin sans défense, elles sont probablement bien plus soucieuses des paradoxes temporels que cela pourrait causer que le gouvernement lui-même. Celles-ci s’en servent uniquement pour dissimuler les corps qui, nous dit-on, deviennent de plus en plus difficiles à faire disparaître (et ce, même si l’on assiste plus tard, à un meurtre perpétré par la mafia dans le futur, sans que celle-ci se soucie de faire disparaitre le corps du défunt). L’idée pourrait paraître astucieuse si la mafia ne versait pas des sommes astronomiques à des tueurs à gages dont la seule et unique tâche se résume à rester planter devant un tapis à attendre que leurs victimes masquées et ligotées apparaissent, pour leur planter une décharge de plomb dans le plastron, quand il suffirait simplement de liquider directement la cible sur place et transporter son corps trente ans plus tôt pour qu’il se fasse récupérer par un simple fossoyeur, certainement beaucoup plus accessible en terme de salaire. Mais, admettons, la mafia du futur a certainement une politique très généreuse avec ses liquidateurs du passé, même si trente ans les séparent…

Elle est par ailleurs encore plus généreuse lorsqu’il s’agit de faire en sorte que ses « loopers » (c’est ainsi qu’ils se font appelés) s’exécutent eux-mêmes avec trente ans de plus. Oui, vous avez bien compris, la mafia du futur confie parfois une exécution à la personne la plus susceptible de se louper(en l'occurence, la victime elle-même) et, pour compenser (car il faut bien), on lui donne une petite prime astronomique pour qu’elle puisse passer les trente prochaines années de son existence à se la couler douce ou bien planifier une vengeance contre cette mystérieuse mafia du futur qui le liquide trente ans plus tard (mais a priori aucun looper n’a pensé à cette éventualité. La mafia a de la chance de n’avoir embauché que des tueurs à gage hédonistes…).

Interprété par un Joseph Gordon Lewitt botoxé et relifté trois fois pour mieux coller au physique de Bruce Willis, son lui-même avec trente ans de plus, spécialement casté pour l’occasion, Joe est l’un de ces loopers menant une vie décadente et arborant sa voiture de sport rougeoyante en plein coupe-gorges remplis de miséreux armés, sans n'être jamais menacé. Sympa pour les riches, le futur proche… Joe et ses copains loopers sont un peu perplexes en ce moment car il y a une recrudescence de loopers qui font la fête et prennent leur retraite. Ce qui veut aussi dire que la mafia va décider de liquider tous ses ex-loopers dans trente ans. Et pour le coup, cette perspective les rend un peu moins festifs. Finalement, ce qui devait arriver se produit : un looper choisi de laisser son alter-ego avec trente ans de plus se faire la malle et Joe se fait littéralement mettre à terre par son lui du futur. Commence donc une chasse aux hommes. Joe jeune cherche à finir son contrat même s’il s’agit de se tuer lui-même, la mafia recherche à la fois, les Joe jeune et vieux tandis que le vieux Joe s’évertue à trouver le bambin qui sera plus tard le chef de la mafia qui commanditera toutes les exécutions envers les loopers et le privera de son amour révélateur pour une asiatique qu’il a connue malheureusement très tardivement.

Outre les invraisemblances qui parsèment la deuxième partie du récit (pourquoi le vieux Joe ne laisse-t-il pas quelques lingos au jeune afin de s’assurer qu’il ne revienne pas chercher son pactole dans son appartement où il sera pour sûr cueilli ? Donner la destination où l’on compte se rendre pour sa retraite à la mafia, lorsqu’on sait que « retraite » veut dire « exécution » trente ans plus tard, est-ce réellement une bonne idée ?), Rian Johnson multiplie les paradoxes en adoptant l’une ou l’autre des deux théories pourtant diamétralement opposées. Dans certains cas, les changements opérés dans le présent ont une conséquence directe sur le futur (capacité de la mafia à être omnisciente, amputations ou décès ayant un impact direct sur la vie du téléporté dans le temps, etc…) et dans d’autres, Johnson écrit son récit comme si tout s’était déjà produit (notamment à la fin) alors qu’il montre délibérément les séquences des trente années de retraite de Joe et que l’on sait que la décision du Rainmaker a été prise avant le retour du vieux Joe.

Enfin, même si l’on fait fi de toutes les incohérences et autre absurdités de ce scénario en s’efforçant de ne pas réfléchir un minimum, « Looper » ne parvient même pas à distraire son audience, tant il est plombé de séquences inintéressantes à l’instar de celles de la ferme tenue par une Emily Blunt déguisée pour l’occasion en un sosie de Sarah Connor et dès lors que les personnages principaux dévoilent même le twist final à peine à la moitié du film, l'histoire perd aussitôt tout son intérêt. En somme, si vous voulez un film de science fiction sur fond de voyages temporels, préférez plutôt vous louer la VOD du dernier « Men in Black », infiniment plus cohérent et divertissant que ce tas d’inepties.


2ème avis : Attrapes-moi si tu peux


Joseph Gordon-Lewitt continue son ascension hollywoodienne. Après ses débuts dans « 10 bonnes raisons de te larguer », le troublant « Mysterious skin », « Brick » qui signe sa première collaboration avec Rian Johnson, le romantique « 500 jours ensemble », le magistral « Inception » et le sportif « Premium rush », il semble qu’Hollywood s’amourache de ce jeune bourreau de travail discret. Ici en tête d’affiche au côté de Bruce Willis, il se laisse embarquer dans un trip futuriste dans lequel il devra tuer son « lui de dans 20 ans ». Plus habitué à voir les gens du présent voyager dans le futur, l’idée de voir apparaître dans le présent des personnes du futur pour les tuer semble tout à fait déroutante et presque inutile… Ce n’est pas grave. On s’amuse plutôt des transformations physiques subies par le personnage principal (nez écrasé, sourcils maquillés, lentilles vertes) pour tenter d’être crédible dans la peau d’un futur Bruce Willis.

Mais au fait, pourquoi Bruce Willis est-il envoyé dans le présent pour être tué ? Quelle menace représentait-il dans le futur ? Et bien figurez vous qu’il voulait sauver le monde en tuant le maître de la pluie, qui fera régner la terreur sur la terre (et accessoirement tuera indirectement sa femme) – vengeance quand tu nous tiens. Sauf que l’homme à abattre est un petit garçon de 6 ans - Aïe. Ça n’est pas sans nous rappeler les voyages dans le temps qu’il faisait il y a 16 ans dans « L’armée des 12 singes ».

Bref, course poursuite au présent avec du présent et du futur, ça donne un passé composé bien imparfait. Si on ajoute à cela des décors, qui nous font plonger dans un semi Mad Max, avec des panneaux solaires sur les voitures et une réutilisation des gaz d’échappement en carburant… ça donne un bon gros film de science fiction / anticipation / futuriste qui ne restera malheureusement pas dans les mémoires.

Véronique Lopes

09-11-2012

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