© Jour2fête - Laurent Carre
Le jour où, dans son travail d’agriculteur dans la vallée de la Roya, il a croisé la route de plusieurs réfugiés, Cédric Herrou a entamé un long combat en leur faveur, leur offrant un refuge et les aidant à déposer une demande d’asile. Considéré comme un « hors-la-loi », Herrou restera fidèle à sa résistance citoyenne, filmée ici au jour le jour par son ami réalisateur Michel Toesca…
Toujours la même rengaine en ce qui concerne les documentaires : la puissance du fond doit-elle pour autant excuser les faiblesses de la forme ? On a beau savoir depuis longtemps que faire un distinguo entre ces deux composantes d’une œuvre de cinéma sert moins à résoudre les problèmes qu’à en rajouter. Mais il y a des moments où il ne peut être contourné. Le documentaire de Michel Toesca sera hélas le prochain film à en faire les frais : au-delà d’un combat citoyen et humaniste dont il se fait à la fois le témoin et le vecteur, il n’incarne absolument rien au travers de ces deux notions fondamentales du langage cinématographique que sont le cadre et le découpage.
Armé d’une petite caméra et nanti d’un simple statut de témoin, Toesca donne ici moins l’impression de vouloir construire un discours par le montage que de vouloir offrir une importante pièce à conviction en vue d’hypothétiques actions judiciaires impliquant son ami Cédric Herrou (lesquelles ont bien évidemment eu lieu au fil de son tournage). Sauf qu’au lieu d’être limitées à une utilisation sur le bureau d’un juge ou durant un procès, ces 100 minutes d’images vidéo auront été finalement montées en vue d’une projection cinéma, qui plus est en séance spéciale sur la Croisette. À part pour offrir une couverture médiatique plus importante au combat de Herrou, une telle démarche s’avère assez incompréhensible.
Du coup, il devient infernal de devoir poser un jugement objectif sur "Libre", tant il réussit malgré tout à transmettre une fibre humaniste peu commune et à mettre (parfois) en valeur un esprit de collectivité que l’on pensait éteint depuis longtemps. Une qualité qui reste pourtant tributaire du fond et non de son alliage avec la forme, cette dernière se délestant de tout travail réfléchi sur l’image, le contraste ou le découpage. Tout juste peut-on relever, en ouverture du film, un long travelling tourné au drone, qui surplombe la Côte d’Azur (de la mer à la terre), à la seule différence que l’utilité de ce plan tutoie le zéro.
Tout futur spectateur de ce film devra donc faire un choix : saura-t-il passer outre une dimension cinématographique proche du néant pour embrasser un fond dont on mesure malgré tout le relief et l’importance ? Chacun jugera… En même temps, cette dichotomie fond/forme réussit paradoxalement à interpeller vis-à-vis de ce que le film essaie de souligner : une parole ne vaut rien si elle n’est pas accompagnée du geste qui la porte.
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