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LES TROIS PROCHAINS JOURS

(The Next Three Days)


un film de Paul Haggis

avec : Russell Crowe, Elizabeth Banks, Brian Dennehy, Olivia Wilde...

Lorsque sa femme Lara est condamnée pour le meurtre de sa patronne, John Brennan voit sa paisible vie de professeur d’anglais changer du tout au tout. Il doit s’occuper seul de leur fils qu’il emmène régulièrement voir sa mère à la prison urbaine de Pittsburgh, tout en faisant son possible pour la faire libérer. Le jour où Lara, apprenant que son dernier recours n’a pas abouti, fait une tentative de suicide, John décide de réaliser l’impossible : la faire évader...


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Un remake de « Pour elle » qui est fait « pour lui »

« Pour lui », c’est-à-dire pour Russell Crowe, qui épouse à la perfection les traits d’un monsieur-tout-le-monde confronté à la pire des situations : troquer son quotidien, sa famille, son emploi, bref, sa vie, contre la liberté de sa femme, persuadé qu’elle a été injustement accusée. Russell Crowe, auquel Paul Haggis pensait déjà pendant la phase d’écriture du scénario, lorsqu’il construisait son personnage, comme à un rouage indispensable dans la mécanique narrative. Le film est tout entier voué à la gloire du comédien qui, selon les termes du réalisateur, « sait tout jouer », et surtout les bonshommes comme les autres : physique un peu gauche, démarche faussement assurée, regard subtilement hésitant, l’acteur est régulièrement happé par les gros plans, comme s’il provoquait involontairement la rétraction du cadre visuel ; cet air quelque peu benêt qu’il arbore de temps à autres donne d’autant plus de consistance humaine à ce professeur sans grandeur, obligé de se surpasser dans le crime. L’espace qu’il reste est occupé par la charmante Elizabeth Banks, en femme condamnée aux yeux embués de larmes, et le solide Brian Dennehy, génial père mutique de John, dont les rares gestes d’affection en disent plus que des milliers de mots.

On l’aura compris : « Les Trois prochains jours » possède une indiscutable force émotionnelle comme la savent construire les Américains mieux que personne. Paul Haggis, qui avait déjà prouvé son aptitude à tirer des larmes avec le scénario de « Million Dollar Baby », adapte sa mise en scène à un sujet qui réclame un subtil mélange de rythme et d’affect, prouvant que sa réputation, largement surestimée, ne l’empêche pas de réaliser de belles choses. Après le très médiocre « Collision » et le très mou « Dans la vallée d’Elah », il était plus que temps qu’il révèle ses bons côtés. Indiscutablement, ce scénario taillé au cordeau lui en a offert la possibilité, d’autant plus que le récit de John Brennan s’inscrit dans un contexte social particulier, autour d’une ville – Pittsburgh, cité ouvrière de Pennsylvanie – et de personnages ancrés dans une classe populaire oubliée par les élites, qui fournissent une solide base narrative à sa démarche cinématographique. Effet de la crise économique ou non, la recherche d’argent devient rapidement, pour cet honnête père de famille, un besoin vital, tandis que sa femme paie l’absurde prix des tensions entre patrons et employés. L’Amérique de 2010 n’est pas bien jolie, qui transforme les innocents en coupables et les simples travailleurs en brigands.

Seulement voilà : le scénario des « Trois prochains jours », s’il mérite tous nos éloges, reste un copié / collé de celui de « Pour elle » de Fred Cavayé et Guillaume Lemans, dont Paul Haggis livre ici un remake à l’américaine. Ne nions pas notre plaisir à constater qu’un cinéaste fameux et un studio hollywoodien, ont tant apprécié le travail de nos Français qu’ils se sont contentés d’adapter le scénario du film initial, avec seulement quelques modifications mineures. C’est l’occasion d’un « cocorico » bien senti. Néanmoins, on ne peut que regretter l’absence totale d’inspiration originale qui sourd de la production américaine, trop heureuse de pouvoir allègrement piocher les bonnes idées chez les voisins, plutôt que de se creuser la tête pour créer de la nouveauté. Nous avions déjà souligné le problème pour le joli « Laisse-moi entrer », copie presque conforme du danois « Morse » ; et nous continuerons à mettre en évidence une problématique qui tend à s’aggraver, du fait que les studios font preuve d’une patience de plus en plus réduite (remakes de films qui ont parfois moins d’un an) et d’une fainéantise de plus en plus patente dans le traitement (on garde l’histoire, on change le contexte géographique et les comédiens, et vogue la galère).

Les modifications par rapport au film original se cristallisent autour de trois points. Le premier, narratif, avec l’ajout de péripéties qui s’intercalent, souvent avec pertinence, au sujet modèle, notamment l’épisode de la clé fabriquée en amateur par un Brennan peu sûr de lui ou la dramatisation du timing par le minutage précis des barrages policiers. Le second, topographique, la prison se situant cette fois au beau milieu de la ville Et le troisième, émotionnel, Haggis n’hésitant pas à charger la barque affective du film avec du bon – le mutisme de Laura lorsqu’elle lit sur le visage de son mari le résultat du procès en appel – comme du mauvais lest – le fiston mis en balance dans l’équation fatale de la fuite. Autant de changements qui participent de l’impression, déjà patente dans nombre de précédents remakes, que les subtilités et les paraboles du cinéma mondial ne peuvent se traduire, pour le public américain, que par le biais d’une pédagogie narrative et d’émotions toujours plus appuyées. Et, par conséquent, plus faciles à vendre.

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