affiche film

© Le pacte

LES PROIES

(El Rey de la montaña)


un film de Gonzalo López-Gallego

avec : Leonardo Sbaraglia, María Valverde...

En voulant retrouver une jeune femme qui lui a volé son portefeuille dans une station-service, Quim dévie de sa route et se perd en montagne. Soudain, il est pris pour cible par un tireur mystérieux, qui le blesse à la jambe. Il tente alors de fuir et, faute de retrouver sa route, il tombe à nouveau sur la jeune femme…


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Photo film

Une excellente leçon qui fait froid dans le dos !

ATTENTION SPOILERS

J’ai toujours détesté les critiques qui détaillent trop l’histoire ! Mais peut-on parler de ce film sans en dévoiler le contenu ? Que peut-on dire en ne parlant que du début, voire de la moitié du film ? Essayons… Le film semble commencer comme un road-movie classique, qui met en place dès les premières minutes une relation complexe et passionnante entre deux personnages qui viennent à peine de se rencontrer – ce qui ne les empêche pas de passer à l’acte dès le début, histoire de se débarrasser rapidement des lourdeurs qu’amène parfois la présence d’un jeu de séduction en deuxième couche de l’histoire, écueil bien trop courant au cinéma.

On s’attend alors à un chassé-croisé entre Quim et Béa (rôle qui donne une fois de plus la mesure du talent de Maria Valverde) mais le film lorgne rapidement du côté de Duel ou de Délivrance, avec cet ennemi anonyme auquel les personnages essaient d’échapper. Et, comme dans Duel ou encore dans Cube, il semble alors que la question-clé n’est pas de savoir « pourquoi » mais plutôt « comment ». Commence donc une fuite infernale, faisant de la montagne une sorte de labyrinthe, traduisant l’angoisse de personnages qui ne se posent pas la question de savoir qui leur tir dessus puisque la principale (et légitime) préoccupation est de s’en sortir vivant !

Dans cet état d’esprit, les dialogues se limitent généralement au minimum syndical au lieu de nous servir de façon appuyée des explications que le spectateur connaît ou peut deviner tout seul. Ainsi, Gonzalo López-Gallego joue plutôt sur l’implicite et sur l’ellipse pour se débarrasser de tels discours superflus ou potentiellement neuneus. Les relations entre Quim et Béa n’en sont pas moins riches et le réalisateur décide même de faire de Béa le personnage le plus fort en apparence et de Quim le plus fragile (voire pleurnichard), à contre-courant des habituels films de genre où l’homme viril protège la belle et fragile ingénue !

Dans la première partie du film, on peut toutefois se sentir dérangé par deux détails, qui paraissent étonnamment clichés par rapport à l’ensemble : le côté maladroit du tireur et son apparent don d’ubiquité !
Mais la deuxième partie du film fournit de satisfaisantes explications et c’est là que j’encourage fortement le lecteur à ne pas lire la suite de ma critique sans avoir vu le film ! Le film bascule quand Béa et Quim se font piéger tout seuls en tombant dans un trou. Oublions les quelques défauts de cette scène, notamment la crédibilité de leur difficulté à grimper ! Il s’agit d’une séquence-clé car c’est le moment où tout bascule, au sens propre comme au sens figuré. Dans un moment de panique intense, Béa perd toutes ses capacités physiques et morales alors que Quim se voit confronté à un affreux dilemme : choisir entre son instinct de survie et sa volonté de sauver la jeune fille. Mais Béa est inexorablement condamnée et, une fois encore, le film ne vire pas du côté de ces productions américaines stéréotypées où les héros se sortent de situations impossibles par la grâce naïve et irréaliste des scénaristes !

Béa éliminée, le film peut prendre une autre tournure et cela commence par la révélation de l’identité ennemie : deux garçons mineurs ! Et là tout s’explique : l’ubiquité n’est que la possibilité qu’ont les frères de se séparer, et la maladresse peut être due à leur âge.

Cette séquence constitue le miroir du film car la caméra suit désormais les tueurs au lieu de la victime, nous dévoilant l’aspect horrifique et inattendu de l’histoire. Gonzalo López-Gallego nous entraîne alors du côté du grandiose Elephant, de Gus Van Sant, en nous infligeant une profonde interrogation sur la cruauté effroyable influencée par certains jeux vidéo. Sans tomber dans la caricature, le réalisateur distille ça et là quelques éléments pour appuyer légèrement son propos, dont quelques magnifiques plans de caméra embarquée. Ces plans subjectifs ainsi créés font froid dans le dos, renvoyant inévitablement au potentiel criminel de chaque joueur ! Le dénouement, exceptionnel dans sa mise en scène, pointe du doigt là où ça fait encore plus mal : les gamins vivent dans un monde virtuel où seule la vie de leurs proches peut avoir un sens. On termine donc par une terrifiante interrogation sur le pouvoir des images au sens large et sur les dérives qu’elles peuvent engendrer. A méditer…


2ème avis - Game over


Troisième long-métrage de l’espagnol Gonzalo Lopez-Gallego, “Le Roi de la montagne” démarre assez rapidement comme un survival pur jus, d’une efficacité redoutable. Peu incommodé par des références explicites (on pense beaucoup à “Delivrance”), Lopez-Gallego fait preuve d'un talent certain dans la gestion de sa mise en scène, privilégiant un naturalisme absolu à l’esbroufe communément de mise dans ce genre de film.

Économisant les dialogues superflus, filmant la nature avec emphase, le jeune cinéaste mène la barque avec intensité, imprimant un rythme trépidant à son histoire de survie. Mais là où le propos du film touche au sublime, c'est dans sa deuxième partie, lorsqu'il met de côté le survival pour s'intéresser aux bourreaux : deux gamins armés et inconscients, pratiquant la chasse à l'homme comme on joue à “Half Life”, “Counter Strike” et autres jeux vidéo de tirs. “Le Roi de la montagne” se transforme alors en récit atypique, Lopez-Gallego incluant les codes visuels et narratifs des jeux vidéos au sein de son projet de survival réaliste. Ambitieux dans son propos, maîtrisé dans sa forme, “Le Roi de la montagne” est une bombe.

Frédéric Wullschleger

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