© Kanibal Films Distribution
En ce cinquantiĂšme anniversaire de son indĂ©pendance, lâAlgĂ©rie va ĂȘtre confrontĂ©e Ă une menace qui risque de rouvrir de profondes blessures : animĂ© par un profond dĂ©sir de vengeance, Slimane, un homme sans foi ni loi, fait renaĂźtre lâOAS de ses cendres afin de semer la terreur au sein de la sociĂ©tĂ© algĂ©rienne, aidĂ© par une tueuse Ă gages sulfureuse et impitoyable nommĂ©e Sanya. Jawed, membre des services secrets, dĂ©cide dâintervenir en infiltrant la bande de SlimaneâŠ
Pour information, le synopsis ci-dessus est Ă peu de choses prĂšs celui qui circule en boucle sur les relais de presse Ă propos du film. Au bout dâune heure, cela fait un bon moment quâon a remis en cause son existence, et nos neurones sont dĂ©jĂ partis se coucher, sans doute trop fatiguĂ©s pour arriver Ă raisonner devant une telle « intrigue ». Parce que, oui, toutes nos attentes ont Ă©tĂ© exaucĂ©es : "Les Portes du Soleil", câest sans conteste LE nanar de cette annĂ©e 2015, LE film qui a le pouvoir de provoquer des fous rires incontrĂŽlables Ă chaque raccord de plan, LE film qui nous rappelle Ă quel point ça ne tient pas Ă grand-chose pour cuisiner un Ă©norme nanar. AprĂšs avoir essayĂ© en vain de faire passer son "Bangkok Renaissance" pour le nouveau "Ong-Bak" (on en rigole encore), lâancien champion du monde de kung-fu Jean-Marc MinĂ©o passe donc Ă la vitesse supĂ©rieure, avec sans doute le dĂ©sir de tourner un "Die Hard" saveur tajine, et nous offre au final 90 minutes de pur plaisir coupable, dâun niveau de nullitĂ© si stratosphĂ©rique que ça touche au sublime.
Bon, on commence par quoi ? DĂ©jĂ le casting. Pour faire simple, en lieu et place dâun ancien de lâOAS qui sĂšme la terreur Ă Oran, on verra juste un sous-Tony Montana algĂ©rien qui passe son temps Ă faire la tronche, Ă faire du vĂ©lo dâintĂ©rieur ou Ă gueuler comme un hystĂ©rique sans quâon sache pourquoi. Dans ce registre, Ă force dâenfiler les mimiques outranciĂšres comme des perles, SmaĂŻn semble Ă©crire ici une trĂšs jolie lettre de motivation pour les GĂ©rards (oubliez Kad Merad dans "Lâimmortel", on a trouvĂ© encore plus drĂŽle !). Il est accompagnĂ© par une nana sexy en Armani qui cogne tout le monde avec ses talons aiguilles, qui flingue tout et nâimporte quoi, souvent sans raison et toujours avec un rictus pas possible, visiblement parce quâelle a Ă©tĂ© violĂ©e durant toute son enfance. Inutile de prĂ©ciser que Lorie est aussi crĂ©dible en tueuse que Bernard Menez en Terminator. Et pour leur mettre des bĂątons dans les roues, quoi de mieux quâun frimeur Ă lunettes fumĂ©es (en rĂ©alitĂ© un super-espion, mais on nây croit jamais), qui marche au ralenti comme nâimporte quel 2Be3 et balance des rĂ©pliques sacerdotales Ă faire rougir notre Steven Seagal adorĂ©. Et nâoublions pas ce cher Mike Tyson, invitĂ© pendant cinq minutes pour pĂ©ter la tronche de trois idiots dans une boĂźte de nuit â on vous assure quâil y a lĂ de quoi faire passer "Road House" pour un mĂ©lodrame tchekhovien.
Un casting dĂ©jĂ grandiose en soi, qui entre souvent en compĂ©tition avec tous les seconds rĂŽles pour la Palme du dialogue le plus dĂ©bile de la Voie LactĂ©e. Allez, comme on est sympas, on vous en offre un spĂ©cimen, extraite dâune conversation entre SmaĂŻn et un second rĂŽle : « Tu vois, si je tâai demandĂ© de venir ici, câest parce que je tâaime bien â HĂ© ho, jâai passĂ© lâĂąge pour devenir pĂ©dĂ©, alors les sentimentsâŠÂ ». Inutile de dire quâon atteint lĂ un degrĂ© rare de subtilitĂ© dans lâĂ©criture, qui plus est avec une postsynchronisation totalement foireuse, sans doute commise par des acteurs de films pornos qui nâont probablement mĂȘme pas vu le film. Le scĂ©nario mĂ©rite lui aussi la Palme dans lâart de meubler un vaste nĂ©ant de script avec des scĂšnes qui ne servent Ă rien : Lorie va chez le psychiatre, SmaĂŻn va sâacheter un vĂ©lo, le hĂ©ros regarde une nana dans la vitre dâun magasin, etc⊠MĂȘme quand les enjeux se rĂ©unissent enfin dans le dernier quart dâheure, câest au prix dâun ensemble de pĂ©ripĂ©ties Ă la limite de lâincomprĂ©hensible qui achĂšvent de prĂ©cipiter le film dans les trĂ©fonds du portnawak.
Et pour achever ce massacre narratif en beautĂ©, quoi de mieux quâune mise en scĂšne puissamment analphabĂšte, conçue par un rĂ©alisateur qui nâa strictement aucune notion du cadre, du dĂ©coupage et de la scĂ©nographie ? DĂšs le gĂ©nĂ©rique, on hallucine : entre un montage sous taurine qui enchaĂźne de façon gratuite les coups dâobturateurs et les flashs stroboscopiques, MinĂ©o semble se prendre pour le nouveau Tony Scott, mais sans le travail dâexpĂ©rimentation sur la longue focale qui faisait de "Man on fire" et de "Domino" de vĂ©ritables pĂ©pites graphiques. Ce qui en ressort nâest rien dâautre quâune pure frime clippesque, sans aucune dimension filmique, tout juste limitĂ©e Ă abuser des faux raccords, Ă injecter de la soupe orientale indigeste en guise de bande-son (et dire que la moitiĂ© des Daft Punk est crĂ©ditĂ©e Ă la BOâŠ), Ă filmer des cascades hautement improbables (le crash qui clĂŽt la poursuite avec la Coccinelle dĂ©fie les lois de la logique), ou Ă charcuter chaque scĂšne dâaction jusquâĂ en effacer la lisibilitĂ© â la scĂšne finale est un festival dâincompĂ©tence Ă tous les niveaux⊠Non, vraiment, il nây a rien Ă rajouter : un grand merci Ă Jean-Marc MinĂ©o pour ce cinĂ©-tajine 100% pur jus de nanar !
Cinémas lyonnais
Cinémas du RhÎne
Festivals lyonnais