affiche film

© Shellac

LES MILLE ET UNE NUITS – VOLUME 1 : L’INQUIET

(As 1001 noites : O inquieto)


un film de Miguel Gomes

avec : Crista Alfaiate, Adriano Luz, Américo Silva, Rogerio Samora, Carloto Cotta, Fernanda Loureiro


Sur le mode du cĂ©lĂšbre conte oriental, une narratrice Ă©galement nommĂ©e ShĂ©hĂ©razade raconte les inquiĂ©tudes qui s’abattent sur le Portugal d’aujourd’hui, entre les inĂ©galitĂ©s, le chĂŽmage, les mĂ©faits du capitalisme, les collecteurs d’impĂŽts



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Photo film

Kamoulox portugais, volume 1

C’était l’un des films les plus attendus de ce festival de Cannes 2015, d’abord en raison de son concept (un triptyque Ă©voquant les mutations sociopolitiques du Portugal), ensuite en raison de son rĂ©alisateur Miguel Gomes, dont la narration bicĂ©phale du magnifique "Tabou" restait encore l’un des plus beaux souvenirs de cinĂ©phile des dix derniĂšres annĂ©es. À l’arrivĂ©e, au bout d’une demi-heure de visionnage de ce premier volet, on a d’ores et dĂ©jĂ  dĂ©chantĂ©, et on sait Ă  l’avance que l’on se prĂ©pare Ă  une vĂ©ritable descente aux enfers cinĂ©matographique. Sous couvert d’une rĂ©appropriation personnelle du plus cĂ©lĂšbre des contes orientaux, Gomes se contente d’aligner, tel un vieux maĂźtre du 7e art en pleine dĂ©confiture artistique, les scĂšnes les plus grotesques sur l’état d’un pays en crise, et ce avec un art du hors-sujet particuliĂšrement Ă©difiant.

Le prologue nous permet dĂ©jĂ  de prendre le pouls du dĂ©sastre Ă  venir : une mise en abyme aberrante oĂč Gomes, visiblement inquiet et angoissĂ© (d’oĂč le sous-titre de ce volume 1 ?), prophĂ©tise face camĂ©ra l’impossibilitĂ© de mener Ă  bien son pari de cinĂ©aste, fuyant du mĂȘme coup le tournage d’un film situĂ© au bord des chantiers navals. Le voilĂ  enquillant en voix off des phrases n’ayant strictement aucun rapport avec ce qui se passe Ă  l’écran (et arrĂȘtons de voir de l’audace dans ce genre de chose, svp !), pour finalement se faire choper par son Ă©quipe technique qui envisage de lui faire passer un trĂšs sale quart d’heure. Gomes se trouve alors une porte de sortie : leur raconter des histoires sur l’état de son pays afin de s’en sortir vivant. L’idĂ©e est amusante, mais elle tourne ici Ă  vide, prenant mĂȘme parfois l’allure d’une ficelle narrative on ne peut plus grossiĂšre. Et le pire est encore Ă  venir


Ce qui forme l’ensemble des rĂ©cits de ce film offre certes un regard crĂ©dible et prĂ©cis sur une sociĂ©tĂ© portugaise en crise : le film est basĂ© en large partie sur des faits divers dont Gomes a eu connaissance suite Ă  des contacts avec des journalistes du pays, et le dĂ©coupage scĂ©naristique sous la forme d’une structure de conte avait un avantage non nĂ©gligeable, Ă  savoir celui d’entrelacer le contemporain avec un imaginaire aux perspectives symboliques infinies. Ce qui fait hĂ©las que strictement rien ne marche, c’est que Gomes n’a tout simplement rien Ă  filmer ni mĂȘme Ă  Ă©voquer autrement que par la parole et le texte – lequel s’affiche en plus de façon rĂ©currente sur une large partie de l’écran ! Un peu comme si le cinĂ©aste de "Tabou" ne croyait dĂ©sormais plus en sa capacitĂ© Ă  retranscrire l’émotion et le sens par l’image et son dĂ©calage avec le son.

On se contente alors d’admirer plein Ă©cran des dĂ©tails sans queue ni tĂȘte dont le symbolisme sonne faux quand il ne frise pas carrĂ©ment le hors-sujet : des costards-cravate pris d’une Ă©rection incontrĂŽlable, un coq qui gueule en pleine nuit, une pyromane particuliĂšrement jalouse, des vieux types qui causent de tout et de rien, etc. On regarde tout cela en se tournant royalement les pouces, attendant patiemment qu’un impact stylistique et symbolique vienne surgir de cette succession d’images plates et unidimensionnelles, signe d’un abominable nĂ©ant de cinĂ©ma chez Miguel Gomes. Pour information, ce Kamoulox filmique s’étend sur 2h05. Et dire qu’il y a encore deux autres films tout aussi interminables et ratĂ©s qui suivent


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