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LES IMMORTELS

Immortals


un film de Tarsem Singh

avec : Henry Cavill, Mickey Rourke, Freida Pinto, Luke Evans…

Tandis que les armées d’Hypérion ravagent la Grèce à la recherche de l’arc d’Épire qui permettra de libérer les Titans, autrefois enfermés par les dieux vainqueurs dans le mont du Tartare, Thésée voit sa vie paisible bousculée par l'invasion de l’armée ennemie. Mis en rogne par le meurtre abject de sa mère par Hypérion lui-même, Thésée va s’allier à l’oracle Phèdre afin de déjouer les plans du roi prométhéen…


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Photo film

Le sandwich grec

En assistant à la projection des « Immortels », on a quelque peu la sensation de se retrouver à la place de ces trois malheureuses demoiselles enfermées dans le taureau d’airain d’Hypérion pour y être consumées à petit feu : on se sent à l’étroit et on étouffe. Le taureau symbolise l’étroitesse d’esprit des producteurs américains, dont la courte vue s’est posée depuis quelques années sur le très rentable sujet de la mythologie grecque – « 300 » et le remake du « Choc des Titans » ont fait des émules – d’une façon telle qu’Homère et Virgile doivent se retourner dans leurs vénérables tombeaux. Et on étouffe devant cette vision étriquée de la mythologie, anti-spectaculaire au possible (les Titans tant attendus sont juste de pauvres types à taille humaine, coincés dans une cage ; la grande attaque finale de l’envahisseur se conclut dans un tunnel de quelques mètres de large), traduite par un scénario dont les idées sont piochées hasardement dans des ouvrages de vulgarisation. En somme, le film est à la mythologie ce que le sandwich est à la gastronomie : on y met des ingrédients épars, quelques condiments et un peu de garniture, espérant en tirer un goût agréable et consensuel. C’était déjà le problème avec « Le Choc des Titans » : syncrétisme rime souvent, à Hollywood, avec attentisme.

Le taureau cité plus haut en exemple rentre exactement dans cette problématique : il sert de garniture à un sandwich écœurant. Au détour de quelques plans, le fameux taureau d’airain utilisé par Phalaris, tyran d’Agrigente, pour ses loisirs supplicieux, où il faisait rôtir ses ennemis, apparaît dans le camp d’Hypérion comme simple élément du décor. Sans doute les scénaristes l’ont-ils emprunté à La mythologie pour les nuls, chapitre « Moyens de torture ». Patchwork maladroit, « Les Immortels » agrège les références sans cohérence, adjoignant un Thésée de pacotille à une Phèdre métissée (étrangement incarnée par Freida Pinto) et oraculaire, transformant le Tartare en une montagne creuse, insérant gauchement un labyrinthe et une « Bête » minotaurine, et résumant la civilisation grecque à quelques centaines de soldats mal préparés. Non pas qu’il faille à tout prix crier haro sur l’adaptation : c’est une question de choix. Mais ce choix de lier des éléments très divers, et d’en inventer d’autres, contrairement aux grands livres de synthèse mythologique comme Les Métamorphoses d’Ovide, confine ici… au vide.

Car aucun de ces éléments ne semblent fonctionner avec les autres, laissant apparaître une structure en gruyère. Connu pour ses films visuellement attrayants mais dénués de solides récits (« The Cell », « The Fall »), le cinéaste d’origine indienne Tarsem Singh ne parvient jamais à donner l’illusion d’une cohérence entre ses personnages et les situations qui les mettent en scène. Même inattentif, le spectateur ne peut pas faire l’impasse sur des fragilités trop voyantes : dieux de l’Olympe limités à cinq sans raison, rencontre opportune entre Thésée et Phèdre, et, parmi les pires exemples, découverte par le héros de l’artefact recherché avec tant de hargne par Hypérion (l’arc d’Épire) caché dans une simple roche dans son propre village ! L’absurde est le moteur des « Immortels », avec son compagnon le ridicule, porté par des acteurs qui cabotinent beaucoup et qui, en marge du film, aiment à rappeler leur même admiration pour la mythologie grecque – à l’instar de l’équipe technique. D’ailleurs, les producteurs Gianni Nunnari et Mark Canton sont aussi ceux de « 300 », ce qui prouve moins leur goût pour la mythologie que leur passion des succès commerciaux.

Il faut s’attendre, néanmoins, à une multiplication des films hollywoodiens à sujets mythologiques, si « Les Immortels » rencontre un succès auprès du public visé – jeune, peu exigeant et attiré par l’effet 3D –, après que « 300 » eût relancé la machine du bon vieux péplum. Malgré un potentiel référentiel proprement gigantesque – il faudrait bien plusieurs dizaines de films pour commencer à déblayer tout le champ mythologique grec – les « créateurs » s’évertuent étrangement à détruire le vivier mis à leur disposition, quand ils pourraient en proposer des versions respectueuses et plus pédagogiques. Amoureux du genre, nous sommes apparemment destinés à nous avaler encore du fast food mythologique. Pour le meilleur et pour l’Épire.

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