affiche film

© Wild Bunch Distribution

LES FILLES DU SOLEIL


un film de Eva Husson

avec : Golshifteh Farahani, Emmanuelle Bercot, Zübeyde Bulut, Maia Shamoevi, Evin Ahmadguli, Nia Mirianashvili, Mari Semidovi, Roza Mirzoiani, Zinaida Gasoiani, Sinama Alievi…

Bandeau sur l’œil et appareil photo à la main, Mathilde, reporter de guerre, se rend sur le front kurde qui combat les soldats de Daech. Là-bas elle rejoint les Filles du Soleil, une unité militaire exclusivement féminine, qui s’apprête à attaquer une école où les jeunes garçons sont formés de force pour devenir soldats de l’État islamique. Bahar, la commandante du bataillon, espère y retrouver son fils, enlevé comme elle et toute sa famille, quelques mois auparavant…


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Photo film

Un sujet intensément grave réduit à un piètre mélodrame sans relief

Le 5 octobre dernier, le Prix Nobel de la Paix a été co-décerné à Nadia Murad, cette femme yézidie, militante des droits de l’homme qui a été victime des pires atrocités commises par l’État islamique. Suite au massacre d’une partie de sa famille, cette jeune fille a été torturée, violée et revendue de multiples fois comme esclave sexuelle. Elle porte aujourd’hui la parole des centaines de milliers de victimes qui, comme elle, ont vécu l’innommable.

À l’écran, Golshifteh Farahani incarne Bahar, une de ces victimes qui une fois délivrée de l’horreur a pris les armes pour combattre ses bourreaux. Commandante des Filles du Soleil, la jeune femme se bat pour arracher son fils de l’embrigadement forcé imposé par les soldats de Daech. Avec ses sœurs d’arme, elles défendent leur bastion proche d’une cité où flotte le drapeau noir, afin de mener l’offensive et faire basculer la ville. Stratèges et courageuses elles n’ont plus rien à perdre et représentent le pire cauchemar des soldats de Daech, convaincus que si ils sont tués par une femme, ils ne pourront pas accéder au paradis.

Immersive, la caméra d’Eva Husson suit au plus près ces femmes soldat dans leurs doutes, la fraternité de leurs échanges, mais aussi dans l’action même de leur combat. Malheureusement, au lieu de relater les événements avec la force qu’ils méritent, la réalisatrice les délaie dans un mélodrame subjectif et édulcoré. Pour ne froisser personne (ce qu’on peut comprendre, compte tenu de la complexité des différentes communautés présentes en Irak), la réalisatrice écrit elle même les paroles de la chanson que les femmes entonnent pour se donner du courage. Les scènes d’action manquent totalement de dynamisme, atténuant de façon bien regrettable le sentiment d’angoisse inhérent à une telle situation. Pour compenser cette énergie qui fait défaut, certaines scènes sont sur-jouées comme dans ces films de guerre des années 60 où les ennemis meurent toujours au moment opportun.

Néanmoins, le principal défaut du film réside dans le personnage ultra caricatural de Mathilde, la reporter de guerre. Baroudeuse brisée par son métier, elle ajoute son lot de drames personnels à ceux des combattantes. Un profil de personnage inutile, voire limite indécent, compte tenu des horreurs vécues par les Filles du Soleil. Traumatisée par une blessure qui lui a coûté un œil et par le décès sur le terrain de son mari reporter comme elle, la journaliste est terrorisé à l’idée d’élever sa fille qui ressemble tant à l’homme qu’elle a perdu. Que vient faire cette histoire mièvre et presque ridicule dans un film censé témoigner de la tragédie des femmes Yézidies ? Mystère !… Campée par une Emmanuelle Bercot d’habitude plus inspirée, ce personnage « neutre » est uniquement là pour questionner Bahar et évoquer ainsi son passé dramatique en tant qu’esclave de Daech. De simples flash-backs auraient été plus simples et assurément plus crédibles.

Néanmoins, malgré ses nombreux défauts, on peut accorder au film de plutôt bien évoquer le destin brisé des victimes de l’État islamique à travers l’histoire passée de Bahar. Interprété avec beaucoup de justesse par Golshifteh Farahani, ce personnage incarne toute la souffrance et toute l’énergie du désespoir qui poussent des femmes telles que Nadia Murad à continuer le combat pour que ces atrocités cessent et que le génocide Yézidi soit connu et jugé. Heureusement d’autres films, documentaires ou séries commencent à porter la voix des victimes comme entre autres : "Esclaves de Daech, le destin des femmes yézidies" de Philippe Sands et David Evans ; la saison 4 de l’excellent "Bureau des légendes" d’Éric Rochant ; ou enfin, l’attendu prochain film de Caroline Fourest "Red snake".

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