© Gaumont Distribution
Dans un monde parallèle, au village de Bégaméni, une tribu opprimée fait des incantations au ciel afin qu’un sauveur vienne les libérer du joug de Zotan, le tyran cannibale. A Paris, dans le monde normal, Rémy Bassano est un petit restaurateur d’œuvres d’art timide, discret et sans histoires. Le même jour, il retrouve son atelier inondé, découvre que sa femme le quitte pour un autre homme, et se fait aspirer à travers le sol dans le monde parallèle pour sauver le peuple de Bégaméni…
La qualité d’un film tient à beaucoup de choses, depuis l’originalité du scénario jusqu’à la réussite esthétique du projet. Si le second long-métrage de Daniel Cohen n’invente rien en termes de mise en scène, s’il ne changera sans doute pas la face du monde, c’est d’abord sa grande originalité et l’atypisme de son univers qui en font une véritable surprise. Il est vrai que l’originalité dans le cinéma français est une denrée qui se fait rare, et Daniel Cohen vient aimablement lancer un pavé dans la mare sans pour autant se porter en faux contre le système qui le produit. « Les deux mondes » offre ainsi deux bonnes nouvelles : d’abord, que le cinéma français peut proposer des scénarios novateurs sans pour autant négliger le grand public ; ensuite, que l’originalité et la liberté de ton ne sont pas seulement l’apanage d’une production indépendante.
Certes, « Les deux mondes » n’est pas un film subversif ou rebelle. Certes, sa mise en scène banale et son esthétique propre ne risquent pas de rebuter un jeune public habitué au champ-contre-champ. Certes encore, la présence de Benoît Poelvoorde en tête d’affiche favorise le financement d’un projet de cette ampleur et les chances d’attirer le plus grand nombre dans les salles. Mais il ne faudrait pas pour autant bouder son plaisir devant l’univers décalé que nous propose Daniel Cohen, dessinateur dans l’âme et dans la vie, qui a entièrement créé ce monde étrange dans lequel il s’amuse à plonger son timide protagoniste. D’autant qu’autour de Poelvoorde s’agitent avec bonheur Michel Duchaussoy, Natacha Lindinger, Arly Jover et Augustin Legrand – qu’on croyait égaré sur les bords du canal Saint Martin.
Comme le film, qui se partage entre deux mondes, le personnage incarné par Poelvoorde se découpe entre deux personnalités : celle du réel, où il se fait largement marcher sur les pieds, et celle de Bégaméni, où il se transforme en Sauveur et Dieu vivant pour une population médusée, à laquelle il apporte les connaissances techniques du monde moderne. Pour opérer ce « voyage », Rémy Bassano doit être appelé par le prêtre local (incarné par Cohen lui-même) et se faire aspirer par le sol, ce qui donne à ses allées et venues une intarissable valeur comique. Qu’on se laisse ou non transporter par cet univers décalé, l’entreprise « Les deux mondes » mérite donc d’être saluée pour son originalité.
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