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Alix doit se rendre à Paris pour passer des auditions. Dans le train qui la mène à la capitale, elle croise le regard hypnotique d’un homme en pleurs. Elle ne peut alors détourner ses yeux de ce bellâtre, mais osera-t-elle l’approcher ?
Après "J’attends quelqu’un", Jérôme Bonnell retrouve Emmanuelle Devos pour une nouvelle histoire de sentiments. Elle joue Alix, une actrice en proie aux doutes, qu’ils soient sentimentaux ou professionnels. Exilée à Calais le temps d’une pièce, elle est envoyée passer des auditions dans son Paris natal. Dans le train, elle croise le regard perdu d’un homme, beau et la larme à l’œil, le compromis parfait entre la virilité et la sensibilité. Elle ne peut s’empêcher de l’observer ; le temps de quelques instants, elle redevient une ado fleur bleue, les palpitations du cœur en guise de moteur. A l’image de la suite, le réalisateur va prendre le temps de filmer cette chronique sentimentale au plus proche des corps. Dans un montage minimaliste, les plans séquences, dont deux de plus de six minutes, étant récurrents, le cinéaste nous offre un long-métrage sensoriel, teinté de mélancolie et de douceur, et surtout empli d’un romantisme saisissant et troublant à la fois.
La rencontre entre un homme et une femme a déjà été racontée un nombre incalculable de fois, mais rarement avec tant de sensibilité. Le réalisateur refuse de se soumettre aux codes préconçus d’un genre vulgarisé et déshonoré par de nombreuses médiocrités : les péripéties habituelles et retournements de situations sont ainsi délaissés au profit d’une simplicité criante de vérité. Se concentrant sur une seule journée, le récit s’inscrit en opposition aux mouvements de caméras : aux personnages pressés, pour qui le temps est compté, l’objectif, lui, s’intéresse aux longueurs, aux petits détails, retranscrivant fidèlement la contenance d’une journée, avec ses hauts et ses bas. Ce combat entre la passion et la raison est raconté sans jugement, sans manichéisme, mais comme une rencontre impromptue, petite escapade fugace qui change un être à tout jamais. Il n’est donc pas question de moralisme, mais uniquement, de désir, de décortiquer l’irruption d’un sentiment nous dévorant de l’intérieur, brûlant les corps et les cœurs.
Dans ce coup de foudre, c’est d’abord la femme qui court après l’homme – féminisme ambiant oblige. Mais l’innovation est ailleurs, elle se situe dans cette mise en scène pudique, millimétrée, d’apparence simpliste et pourtant si travaillée. Dans cette course contre le temps, le cinéaste nous offre une parenthèse douce et éphémère, surprenant aussi bien les spectateurs que les protagonistes décontenancés face à ces évènements imprédictibles, auxquels ils se pensaient immuniser. Emmanuel Devos et Gabriel Byrne nous offrent une composition parfaite, nuancée et intelligente. Si cet amour adultère présente autant de charme, c’est en premier lieu grâce à ces deux comédiens, la française s’épanouissant pleinement à l’écran à jouer l’actrice. Si quelques lenteurs du faux rythme souhaité par le réalisateur pourront éloigner certains spectateurs de l’intrigue, "Le Temps de l’aventure" est définitivement une variation impressionniste réussie sur le thème de la romance. Jérôme Bonnell nous offre un objet sensoriel des plus intéressants, par une mise scène timide rejetant le voyeurisme et laissant cette passion charnelle s’exprimer d’elle-même.
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