© Zootrope Films
Sergueï Paradjanov est un vieil homme qui est de retour au pays, dans la maison de son enfance. Mais ce n’est en rien sur sa propre initiative qu’il se retrouve ici. Il est, en fait, condamné par le pouvoir soviétique, assigné à résidence. On ne peut pas dire, en effet, qu’il fut celui qui rentrait dans les convenances dictées par Moscou…
Après "Pasolini", le cinéma continue son exploration de grands noms du 7e art. Moins connu, Sergueï Paradjanov était un réalisateur soviétique d’origine arménienne. « Artiste cinéaste » des années 50 et 60, il a consacré sa vie à se battre pour une certaine liberté d’expression, ce qui fait écho, en ce début d’année 2015, à l’actualité liée à Charlie hebdo. Ses grands films majeurs sont "Les Chevaux de feu" et "Sayat-Nova", deux œuvres censurées par le pouvoir soviétique et adulées en Europe occidentale. Le réalisateur, cible facile du pouvoir moscovite, sera emprisonné puis assigné à résidence à Tbilissi. Il sera également soutenu par de grands intellectuels Français, tels Aragon, Sagan ou le couturier Yves Saint Laurent.
Serge Avédikian, qui a côtoyé le cinéaste, se plonge donc dans un biopic poétique qui n’a pour unique ambition que de montrer le talent pluriel d’un homme hors du commun. Car utiliser la dénomination « artiste cinéaste » n’est pas anodine. Elle signifie bien que Sergueï Paradjanov n’était pas seulement un réalisateur (d’ailleurs en avance sur son époque, donc souvent incompris), il était un touche-à-tout inspiré : les mots, les images, l’art, les matières, les sons, tout ou presque l’intéressait. Et "Le Scandale Paradjanov" nous invite à découvrir cet artiste dans ses multiples facettes créatrices par une réalisation qui accumule les formes pour retranscrire cette vie artistique tumultueuse comme le scande le sous-titre du film, à travers des collages, des dessins, de l’animation, des montages : soit un film à l’image de l’univers de celui qui est dépeint. Le film montre aussi en substance qu’il aura beau avoir été incarcéré et assigné à résidence, Paradjanov gardera sa liberté de création intacte.
C’est donc un bel hommage qui est proposé dans cette œuvre respectueuse du talent du cinéaste, aujourd’hui disparu (en juillet 1990, un an après qu’une grande rétrospective lui soit consacrée à Paris, en sa présence d’ailleurs). Même la photographie et les décors du film, très travaillés, semblent rendre hommage à la minutie du cinéaste, connu pour être pointilleux pour ne pas dire maniaque dans sa recherche du cadre parfait ou son souci du détail. "Le Scandale Paradjanov" est donc une œuvre réussie qui initie en quelque sorte le spectateur qui ne connaît pas ce cinéaste à son univers pour l’amener à aller plus loin dans la connaissance de son œuvre. Les présentations étant faites, il ne vous reste plus qu’à vous délecter devant ses chefs-d’œuvre qui font partie intégrante de l’histoire du cinéma.
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